H2o Magazine


INRA
Qualité de l'eau & des écosystèmes aquatiques

Mots clés : grands systèmes, paysages, champs - 3 échelles pour observer et réduire l'impact des activités humaines

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Les grands lacs alpins ont connu plusieurs vagues de pollution durant le 20ème siècle ; celle liée aux rejets d’eaux usées contenant du phosphore notamment a été très marquée dans les années 1970-80. Des dispositifs de lutte anti-pollution ont été mis en place et ont permis une amélioration de la qualité de l’eau, sans pour autant toujours aboutir au rétablissement de l’état écologique des lacs d’avant 1950. Des chercheurs de l’INRA, en collaboration avec le CNRS et l'Université de Savoie, ont développé une nouvelle approche qui permet de retracer l’histoire écologique des lacs par l’étude des archives moléculaires de la biodiversité des sédiments et d’envisager ainsi une meilleure gestion à venir de leurs eaux.

INRAimages 1. Dr Ralf Wagner – 2. Martine Le Bec – 3. Cigalette
H2o – février 2012

Plongée dans les grands lacs alpins

 

Le Centre alpin de recherche sur les réseaux trophiques des écosystèmes limniques de Thonon-les-Bains étudie le fonctionnement des écosystèmes aquatiques alpins, lacustres en particulier, les interactions avec les apports des bassins versants.

Les trois plus grands lacs naturels français des Alpes du Nord sont au centre de ces recherches : le lac Léman, le lac du Bourget et le lac d’Annecy. Les chercheurs étudient les réponses de l’écosystème lacustre aux changements de pressions anthropiques et au changement climatique. Ils analysent aussi l’évolution de la qualité des milieux aquatiques (eaux, biodiversité, ressources piscicoles) et l’efficacité des mesures de gestion environnementale.


Le parcours des polluants du bassin versant vers le lac

La qualité de l’eau d’un lac dépend de son bassin versant et des activités humaines, agricoles et industrielles qui s’y développent. Les chercheurs étudient les mécanismes de transfert de divers composés, nutriments, et particules notamment, du bassin versant jusqu’à l’écosystème aquatique. Ces substances agissent sur le fonctionnement et la biodiversité du lac. Elles peuvent infiltrer le réseau trophique et se propager jusqu’aux poissons.

Certains polluants, tel le phosphore, agissent comme des fertilisants et conduisent à l’eutrophisation des lacs : des algues toxiques prolifèrent, moins d’oxygène est disponible dans le fond du lac, la reproduction naturelle de certaines espèces de poissons devient impossible.

D’autres polluants sont toxiques en faibles doses et peuvent transiter dans le réseau trophique : pesticides, PCB, retardateur de flamme, résidus médicamenteux… La présence de ces polluants dans l’eau nécessite la mise en place de traitements coûteux pour l’alimentation en eau potable. Certains poissons peuvent devenir également impropres à la consommation si leur chair est marquée par ces toxines. Enfin, la biodiversité et le fonctionnement du lac peuvent aussi être affectés.


La vie cachée des lacs

Pour étudier la diversité biologique d’un lac, les chercheurs effectuent des prélèvements de microorganismes aquatiques. Leur analyse sert à identifier les liens existants entre organisation des communautés planctoniques, évolution des écosystèmes lacustres et dynamique des peuplements piscicoles.

Les approches d’observation par microscopie ne permettent pas toujours d’analyser finement la diversité biologique. Certains organismes ne sont pas précisément identifiables mais leur ADN atteste de leur présence et de leur identité. L’ADN contenu dans les sédiments donne des indications sur les communautés planctoniques passées et son analyse permet de retracer leur évolution ainsi que l’impact de l’activité humaine et des changements globaux sur l’écosystème lacustre.


Retour vers le futur des lacs

Aucun suivi ni analyse des différents paramètres biologiques et physico-chimiques des lacs alpins ne sont disponibles sur le très long terme. Les sédiments des lacs constituent des systèmes d’archivage des conditions environnementales passées. La paléolimnologie consiste à étudier les informations archivées dans ces sédiments accumulés au fond des lacs (restes fossiles d’algues, d’animaux…), sur des échelles de temps s’étalant de l’année au millénaire. Cette approche permet de comprendre l’évolution des écosystèmes, en évaluant notamment le rôle joué par l’homme, en l’absence de mesures directes et de suivis de terrain. La paléolimnologie permet aussi de contextualiser les données par rapport à des phénomènes globaux, comme les évolutions climatiques.

Traditionnellement, les indicateurs biologiques utilisés dans les approches paléolimnologiques sont fondés sur l’abondance des restes biologiques retrouvés dans les prélèvements de sédiments datés. La possibilité d’utiliser l’ADN comme marqueur de la biodiversité planctonique a été démontrée par une équipe de l’INRA de Thonon dans les sédiments récents (150 ans) des lacs Léman, du Bourget et d'Annecy en 2011. Les chercheurs ont ciblé certains groupes planctoniques, diatomées, cyanobactéries et daphnies, notamment en raison de leur intérêt en tant qu’indicateurs de l’état trophique des milieux, et donc de la qualité des eaux. Ils ont ainsi pu relier les évolutions des teneurs sédimentaires en ADN de ces groupes avec les évolutions des situations écologiques des lacs au cours de ces 150 dernières années et valider la méthodologie. L’histoire de Planktothrix rubescens (cyanobactérie toxique se développant massivement à partir des années 2000) a plus particulièrement été explorée. Les données acquises ont permis de retracer sa présence de manière ancienne (années 1950) dans le Lac du Bourget, mais aussi de constater sa relative disparition au cours des périodes d’eutrophisation (années 1970-90) laissant alors la place à d'autres genres de cyanobactéries tels que Aphanizomenon, Nostoc, et Anabaena. Planktothrix rubescens est donc plus particulièrement présente pour des états trophiques intermédiaires, et son abondance devrait décroître dans les années futures si la restauration du lac lui permet d'atteindre un état oligotrophe, c'est-à-dire pauvre en éléments nutritifs. Les études moléculaires sur les œufs de Daphnies (un micro-crustacé planctonique qui occupe un rôle écologique important dans les lacs) ont montré que l'eutrophisation avait favorisé l'hybridation ainsi que les flux de patrimoine génétique entre les espèces. Ces transferts inter-spécifiques ont irréversiblement modifié l'architecture génétique des Daphnies. Ces résultats soulignent que les écosystèmes naturels et les communautés qu'ils hébergent sont en constante évolution et ne sauraient retourner à leur strict état original. .

 

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ResSources
Centre INRA de Dijon
Unité mixte de recherche INRA-Université de Savoie
Centre alpin de recherche sur les réseaux trophiques des écosystèmes limniques – CARRTEL
Département scientifique Écologie des forêts, prairies et milieux aquatiques
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INRA – L'eau, recherches pour une ressource vitale

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Organisation des paysages & maîtrise des pollutions

 

Les chercheurs de deux unités de l’INRA expliquent les transferts d’eau et d’éléments chimiques (nitrate, pesticide) à l’échelle d’un paysage (breton et méditerranéen), et montrent comment l’organisation des espaces cultivés peut contribuer à préserver les ressources naturelles, comme l’eau. Les deux unités produisent des connaissances et des outils sur le fonctionnement du bassin versant, les interactions entre milieu naturel et agriculture. Elles contribuent à élaborer des systèmes de production agricole durables, à améliorer l’aménagement de l’espace rural, à préserver les ressources naturelles. Les recherches visent notamment à déterminer comment les caractéristiques du paysage, des sols jouent un rôle sur le cycle de l’eau et sa qualité.

L’unité Sol agro et hydrosystème spatialisation du centre INRA de Rennes aborde le cycle de l’eau, du carbone et de l’azote dans les paysages cultivés. Ses travaux concernent en particulier les milieux tempérés à nappe superficielle, une agriculture liée à l’élevage dans laquelle de fortes quantités d’azote et de carbone sont introduites. Elle gère un observatoire de recherche en environnement, AgrHys sur les temps de réponse des AgroHydrosystèmes à des changements globaux, et dont l’objectif est l’analyse de l’impact des actions anthropiques sur la qualité des sols et des eaux.

Le Laboratoire d’étude des interactions entre sol, agrosystème et hydrosystème – LISAH, de Montpellier étudie en particulier les milieux cultivés à risques environnementaux forts : région semi-aride du bassin méditerranéen, régions tropicales... Il gère un observatoire de recherche en environnement, l’Observatoire méditerranéen de l’environnement rural et de l’eau, qui a pour objectif l’analyse de l’impact des actions anthropiques sur l’érosion des sols méditerranéens et sur la qualité de l’eau.

Le fonctionnement hydrologique d’un bassin versant – L’eau des pluies s’infiltre dans le sol puis recharge les nappes souterraines ou ruisselle à sa surface pour rejoindre les fossés et les rivières. Elle peut également être retenue par le sol puis utilisée par les plantes ou évaporée dans l’atmosphère. Des circulations d’eau existent enfin entre nappes et rivières. Le choix des cultures, de leur emplacement, les pratiques agricoles et les aménagements hydrauliques et paysagers influencent également les chemins et la disponibilité de l’eau dans les paysages. Ainsi, le travail du sol (labour, désherbage) et l’état de surface du sol (croûte, couvert végétal) ont un impact sur la répartition entre infiltration et ruissellement. Pour une même pluie, l’infiltration peut être trois fois plus importante dans un sol travaillé que dans un sol non travaillé.

Transferts des polluants dans un bassin versant – Dans un contexte d’agriculture intensive dominée par l’élevage, les substances étudiées – nitrate, phosphore, carbone organique dissous, chlorure… – ont un impact sur la qualité des eaux de nappe et de rivière. Les chercheurs distinguent deux types de transferts : un transfert lent par la nappe et un transfert rapide par ruissellement lors des pluies. Le nitrate, dissous dans l’eau, est entraîné, par lessivage à travers le sol jusqu’à la nappe. Il met plusieurs d’années pour rejoindre la rivière, selon la localisation de la parcelle dans le bassin versant. Pesticides, phosphore, matières en suspension, bactéries, métaux lourds…, facilement retenus sur le sol, sont entraînés rapidement par ruissellement jusqu’à la rivière, lorsque l’intensité d’une pluie dépasse la capacité d’infiltration du sol ou sa capacité de stockage.

Limiter la contamination des eaux et des sols par les pesticides
– Le transfert des produits phytosanitaires dans les paysages est influencé par les propriétés du sol – humidité, porosité, structure, taux de matière organique –, par le relief et par les aménagements agricoles. Pour maîtriser la contamination des eaux de surface par les produits phytosanitaires, les scientifiques de l’INRA recherchent des pratiques culturales et des aménagements de bassin versant faisant barrière au ruissellement et à l’érosion, favorisant la dégradation des produits sur le lieu de traitement. Ainsi, la mise en place, à la sortie de la parcelle, de bandes enherbées ou la végétalisation contrôlée des fossés peut améliorer la structure du sol et accroître son infiltrabilité, limitant par conséquent le ruissellement. Elle permet également d’augmenter la teneur en matière organique du sol, ce qui favorise la rétention des pesticides dans le sol lors de leur transfert.
Certaines structures du paysage modifient les chemins et les vitesses de l’eau, et se comportent en sources ou puits pour les substances transportées. Ainsi les zones humides participent-elles à la dénitrification, c’est-à-dire la transformation du nitrate en azote gazeux. Ce phénomène joue un rôle important pour diminuer les excédents de nitrate en provenance de l’agriculture. Les haies, véritables filtres pour les éléments dissous dans certaines conditions hydrologiques, représentent aussi des barrières au ruissellement et aux particules de sol érodées.


Aménagement du paysage en milieu méditerranéen

Pour l’agriculture des régions méditerranéennes, faire les choix optimaux en termes d’aménagement et de disponibilité de l’eau dans les paysages est crucial car la disponibilité en eau y est faible. L’enjeu pour les chercheurs de l’INRA est de développer des outils d’aide à la décision.

Crues et inondations : le rôle des fossés agricoles dans la maîtrise des risques – En milieu méditerranéen, des banquettes anti-érosives permettent de lutter contre l’érosion des sols en captant l’eau de ruissellement chargée de matières à suspension mais aussi de conserver de l’eau sur la parcelle. Des fossés agricoles, creusés par les agriculteurs, collectent le ruissellement en surface et l’évacuent vers les cours d’eau. Comment peut-on jouer sur leurs densités pour maîtriser le ruissellement, processus clé régissant les sensibilités aux crues, à l’érosion des sols et au transfert de pesticides ? Des chercheurs, grâce à une expérimentation numérique sur une région du sud de la France, ont exploré l’impact de réseaux de fossés dont les densités variaient entre 14 et 392 mètres par hectare. Ils ont révélé que le réseau de fossés existant, correspondant à une densité de 115 mètres/hectare, se situait parmi les meilleurs compromis théoriques. En l’absence de possibilité d’expérimenter directement ce levier d’aménagement paysager, l’expérimentation numérique reste la seule possibilité pour caractériser les impacts potentiels sur le ruissellement d’une densification de ces réseaux au sein des bassins versants agricoles.

Un millier de réseaux de drainage ont été générés par un modèle numérique tenant compte des limites parcellaires et du relief. Ils présentent des densités et des formes très différentes. Chacun de ces réseaux est ensuite utilisé dans le modèle hydrologique Mhydas (plateforme de modélisation Openfluid) qui calcule pour une pluie donnée le cheminement de l’eau sur le bassin versant. Mhydas a été développé sur la base des études menées dans le cadre de l’Observatoire méditerranéen de l’environnement rural et de l’eau – Omere à Roujan (Hérault).

Les résultats confirment que la densité des réseaux de fossés agricoles impacte fortement l’évacuation des eaux en excès à l’exutoire du bassin et la limitation du ruissellement sur les parcelles. Cependant ils montrent que cet impact s’atténue à partir de seuils au-delà desquels une densification des réseaux de fossés devient inopérante. Ainsi, le réseau de fossés construit au fil du temps par les agriculteurs représente un bon compromis entre longueur de réseau, diminution du ruissellement sur les parcelles et efficacité de l’évacuation de la crue vers l’aval.

Le travail présenté constitue une première illustration de ce que pourrait être une approche d’évaluation quantitative et d’optimisation de structures du paysages (ici les densités de réseau de fossés) vis-à-vis de fonctions attendues des paysages cultivés (ici la maîtrise du ruissellement). Une telle approche nécessitera à terme que soient représentés dans des plates-formes de modélisation intégrée du paysage, l’ensemble des éléments et processus du paysage participant à la production de services écosystémiques, et l’ensemble de ces services écosystémiques.

Cartographie de l’évapotranspiration de la vigne à l’échelle régionale – Des chercheurs de l'INRA ont mis au point une méthode simple de cartographie de l’évapotranspiration de la vigne à partir d’images satellites. La combinaison de cartes de températures de surface et de taux de ouverture du sol par la végétation, obtenues avec une résolution spatiale de 90 mètres, permettent d’estimer l’évapotranspiration journalière des parcelles de vigne avec une précision d’un milimètre/jour, à l’échelle de petites régions viticoles. Cette méthode pourra être utilisée pour la quantification des besoins en eau de la vigne et la gestion spatialisée de pratiques viticoles, comme l'aptitude à l'enherbement.

Le statut hydrique de la vigne est connu pour avoir une influence déterminante sur la production viticole, tant en termes de quantité que de qualité. Si les méthodes de détermination du statut hydrique de la vigne sont opérationnelles à l’échelle de la parcelle, il existe un besoin important pour sa quantification à l’échelle de petites régions – quelques dizaines de km2 – aussi bien pour la gestion d’aires de production (conduite des vignes, récolte, irrigation…) que pour se préparer à faire face à l’action du changement climatique (modifications de la répartition temporelle de la pluviométrie par exemple). Les recherches menées depuis plusieurs dizaines années par différentes équipes dans le monde, dont des équipes françaises, ont permis la mise au point de méthodes de cartographie de l’évapotranspiration des couverts végétaux à partir d’images de télédétection dans l’infrarouge thermique. Toutefois, ces méthodes n’avaient jamais été utilisées de manière probante sur des couverts viticoles, en grande partie à cause de leur complexité géométrique (cultures en rangs). Ceci a motivé le lancement d’un projet de recherche visant à la cartographie de l’évapotranspiration de la vigne à partir d’images satellite, dans la région Languedoc-Roussillon. Cette région présente en effet deux caractéristiques a priori favorables : la vigne y est une quasi-monoculture et son alimentation hydrique est fortement limitée lors de la saison estivale, habituellement très sèche.

L'étude a porté sur la basse vallée de la Peyne, affluent de l’Hérault, où la vigne occupe plus de 70 % de la surface. Au cours de la période juillet 2007 à octobre 2008, douze images satellites ASTER ont été acquises. Les images de température de surface, à 90 mètres de résolution spatiale, ont été converties en cartes d’évapotranspirations journalières à l’aide de deux indices, le WDI (water deficit index) et le S-SEBI (simplified surface energy balance index) qui n’avaient jusqu’à présent pas été utilisés sur vigne.

2012_inra_ecosystemes_evapotranspiration.gif Cartographies de l'évapotranspiration sur la basse vallée de la Peyne, obtenues pour deux dates, avec la localisation des 7 parcelles de validation.
Seules les parcelles de vigne sont représentées.

Pour valider ces cartes d’évapotranspiration, un dispositif de mesures a été mis en place sur sept parcelles de vigne, représentatives de la variabilité pédo-paysagère de la vallée de la Peyne. D’une part, des mesures directes de l’évapotranspiration, par covariances turbulentes, ont été réalisées sur deux de ces parcelles. D’autre part, un suivi régulier de l’évolution de l’humidité des sols (mesures neutroniques) et du niveau des nappes (mesures piézométriques), conduit sur les sept parcelles, a permis d’évaluer avec précision leur évapotranspiration journalière. Les cartes d’évapotranspiration issues des images satellites ont ainsi pu être validées avec succès, l’indice S-SEBI étant légèrement plus précis (0,8 mm/ jour) que l’indice WDI (1,0 mm/jour). De plus, les cartes d’évapotranspiration ainsi obtenues présentent une structure spatiale stable dans le temps, semblable à celle de la carte des sols au 1:25 000.

Outre l’utilisation de ces cartographies de l’évapotranspiration des vignes pour l’estimation de leurs besoins en eau, par exemple pour l’irrigation, les perspectives de ce travail portent sur la gestion spatialisée de pratiques viticoles (par exemple aptitude à l’enherbement). Elles constituent par ailleurs une information potentiellement mobilisable pour la cartographie des propriétés hydrodynamiques des sols.


La démarche scientifique appliquée à la question des "algues vertes" en Bretagne

Les marées vertes sont la conséquence des phénomènes d’eutrophisation, c’est-à-dire d’excès de nutriments au regard de la vulnérabilité de l’écosystème littoral. Des concentrations excessives en nitrate entraînent le développement de macro-algues dans des baies littorales fermées, à faible renouvellement des eaux. Les bassins versants touchés par ces phénomènes représentent 7 % de la Bretagne. L’INRA mène un programme de recherche, avec les acteurs de terrain, pour mieux connaître et maîtriser les transferts de nitrate dans les bassins versants afin d’adapter et d’accompagner l’évolution des pratiques agricoles sur ces territoires très vulnérables. La démarche scientifique mise en oeuvre est basée sur l’acquisition de données et un suivi sur le long terme - possibles grâce à un Observatoire de recherche en environnement - et l’articulation des recherches avec les attentes de la société. Les modèles et les scénarios élaborés sont ensuite testés dans des fermes et sites pilotes.

Pâturages contre marée verte – Depuis 2008, les chercheurs de l’INRA travaillent avec les acteurs locaux (collectivités territoriales et chambres d’agriculture) du bassin versant de la Lieue de Grève dans les Côtes d’Armor sur un programme d’actions pour lutter contre les algues vertes. Malgré une évolution importante des pratiques agricoles et une stabilisation des concentrations en nitrates des cours d’eau aux alentours de 30 mg/l, les algues vertes continuent de se développer chaque été sur les plages de la Baie de Saint-Michel-en-Grève. Rapidement, un constat s’impose : au vu de la sensibilité de ce bassin versant, réduire la quantité d’algues vertes suppose une baisse drastique du taux de nitrate jusque 10 mg/l. Les différents acteurs du bassin versant sont unanimes : un changement de pratiques ne suffira pas, il faut modifier profondément les systèmes de production.

"L’histoire commence fin 2006, se souvient Luc Delaby, chercheur au sein de l'URM PEGASE, Physiologie, Environnement et Génétique pour l'animal et les systèmes d'élevage, associée au programme ACASSYA de recherche sur les algues vertes, lorsque Lannion Trégor Agglomération et les chambres d’agriculture bretonnes nous ont sollicités pour les aider à élaborer des actions innovantes pour limiter les fuites de nitrate vers les rivières". Le bassin versant de la Lieue de Grève est un bassin d’élevage en production bovine, laitière et allaitante. L’idée de développer des systèmes à base d’herbe s’impose naturellement, l’herbe étant une culture pérenne adaptée à l’alimentation des bovins qui valorise l’azote toute l’année. Pour tester sur le terrain les solutions imaginées ensemble par les chercheurs, les acteurs locaux (développement agricole, collectivités locales) et les agriculteurs, le dispositif "Fermes pilotes" est mis en place, avec au départ dix fermes pilotes volontaires.

Début 2011, les dix agriculteurs volontaires signent une charte individuelle d’évolution. "Après la phase d’audit des exploitations, indispensable pour identifier au cas par cas les possibilités d’évolution vers un système plus herbager, nous avons défini des seuils qui nous semblaient intéressants pour limiter les fuites de nitrates" précise Luc Delaby. Deux indicateurs guident ainsi l’évolution de ces exploitations : d’une part le taux de chargement en animal, fixé à 1,4 UGB (unité de gros bétail) par ha d’herbe, et d’autre part l’entrée d’azote sur l’exploitation, limité à 100 unités d’azote/ha de surface agricole utile. "L’idée toujours présente est de réduire les entrées d’azote, de favoriser le recyclage interne et de stopper les pratiques favorables au lessivage" souligne Luc Delaby. Couplée à l’expérimentation in vivo, la modélisation permet de tester a priori la validité et l’efficacité économique, environnementale et sociale des changements proposés. C’est aussi un outil essentiel pour simuler l’impact de l’évolution des exploitations sur la charge azotée totale du bassin versant. Chaque éleveur du dispositif Fermes pilotes bénéficie ainsi d’un accompagnement technique. "Les premiers résultats sont encourageants même si le rythme d’évolution varie selon les exploitations" note Luc Delaby. L’expérience va s’étendre dès l’automne aux 170 exploitations du bassin versant. Selon le plan national Algues vertes, 30 % des engagements pris par les bassins versants devront avoir été tenus en 2015 et la totalité en 2027.
 

Les zones humides : indispensables purificateurs d’eau – Les zones humides en bordure de rivière sont des milieux naturels qui ont une grande valeur écologique car elles éliminent et consomment une partie du nitrate produit en excès par l’agriculture et l’élevage. Des chercheurs de l'INRA de Rennes ont effectué une étude d’une année sur le bassin versant du Scorff, dans le Morbihan, afin de mieux connaître le rôle épurateur de ces zones humides et d’en mesurer l’efficacité. Leurs travaux ont montré que ces milieux peuvent éliminer plus de la moitié du flux de nitrate qu’elles reçoivent. De plus, les chercheurs ont pu établir les critères, tels que l’étendue des zones humides ou l’ordre des rivières, qui contrôlent les flux de nitrate sortant de la zone humide. Cette étude apporte des données précieuses pour une meilleure protection des ressources en eau et a permis d’améliorer certains outils de gestion agricole.

La Bretagne est l’une des régions les plus affectées par le nitrate provenant de l’agriculture et de l’élevage. Par exemple, en vingt ans, la teneur en nitrate du Scorff a été multipliée par six. Ceci a pour effet principal de dégrader la qualité de l’eau et de modifier les écosystèmes. Les marées vertes qui apparaissent sur le littoral breton en sont un effet spectaculaire. Les zones humides qui bordent les cours d’eau prennent là toute leur importance : véritables stations d’épuration naturelles, elles éliminent une partie du nitrate qu’elles reçoivent. Ce nitrate (NO3-) est consommé par les plantes et les microorganismes et, finalement, relâché dans l’atmosphère soit sous forme d’azote neutre (N2), soit sous forme d’oxydes d’azote, puissants gaz à effet de serre.

La zone que les chercheurs ont choisie pour leur étude est un bassin versant de 400 km2 entre le nord du Morbihan et Lorient. Les milieux naturels y sont bien conservés, et notamment les prairies humides en fond de vallée. C’est aussi une zone d’agriculture intensive, émettant une grande quantité de nitrate. En comparant la quantité d’azote déversée par les agriculteurs en amont, les flux d’azote entrant dans la zone humide et les flux sortant, ils ont pu évaluer le rôle épurateur de cet écosystème. Seize points localisés sur autant de rivières et ruisseaux ont été choisis pour y recueillir des échantillons d’eau en surface ou dans les nappes phréatiques.

D’après les résultats obtenus, sur une base annuelle, cette zone humide peut éliminer jusqu’à 53 % du flux de nitrate qui la traverse, soit 21 kg d’azote par hectare. Les cours d'eau les plus importants, ceux situés en aval, contribuent également à éliminer le nitrate. En effet, la végétation et les microorganismes des rivières d’ordre plus important participent, de concert avec la zone humide en bordure, à l’élimination du nitrate. Le type de sol, la superficie de la zone humide et la distance entre la parcelle agricole et le cours d'eau participent au contrôle des flux de nitrate. Enfin, les chercheurs ont montré qu'en été, lorsque le niveau des rivières est bas, l'efficacité des zones humides est plus grande (64 % d’efficacité à la saison sèche, seulement 9 % d’efficacité en hiver). Néanmoins, vu que le flux de nitrate est 10 fois plus important en hiver, la quantité d'azote est aussi plus importante durant la saison froide.

Les résultats de cette étude sont très importants à un moment où les pouvoirs publics cherchent à prendre en compte la valeur des zones humides. Cette évaluation de l’élimination du nitrate par les zones humides a aussi permis d’améliorer les modèles agro-hydrologiques utilisés pour gérer les ressources en eau et pour concevoir un aménagement du territoire plus rationnel. Par ailleurs, ces résultats pourraient servir à des recherches en bio-engineering cherchant à modifier les zones humides afin d’accroître leur efficacité (par exemple en jouant sur la longueur de la période où l’eau est présente). .

 

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ResSources
Centre INRA de Montpellier
Unité mixte de recherche INRA-Montpellier SupAgro-IRD
Département scientifique Environnement et Agronomie
Laboratoire d’étude des interactions Sol Agrosystème Hydrosystème – LISAH
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Centre INRA de Rennes
Unité mixte de recherche INRA-Agro Campus Ouest
Département scientifique Environnement et Agronomie
Sol, Agro-hydrosystème spatialisation – SAS
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Programme ACASSYA (Algues vertes)
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Levasseur F., Bailly J., Lagacherie P., Colin F., Rabotin M., in press, Simulating the effects of spatial configurations of agricultural ditch drainage networks on surface runoff from agricultural catchments, Hydrological Processes. DOI:10.1002/hyp.8422.

Galleguillos M., Jacob F., Prévot L., Lagacherie P. and Liang S. (2011), Mapping daily evapotranspiration over a Mediterranean vineyard watershed, Geoscience and remote sensing letters, IEEE, 8(1): 168-172.

Montreuil O., Mérot P., and Marmonier P., Estimation of nitrate removal by riparian wetlands and streams in agricultural catchments: effect of discharge and stream order, Freshwater Biology, novembre 2010.

INRA – L'eau, recherches pour une ressource vitale

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Vers une utilisation raisonnée des produits phytosanitaires

 

Quelles sont les options offertes aujourd’hui à l’agriculture pour réduire le recours aux intrants (engrais et pesticides), et ainsi préserver l’environnement et la qualité des eaux ? Les chercheurs de l’unité Agronomie du centre INRA de Versailles-Grignon développent des méthodes pour concevoir et évaluer des systèmes de culture répondant aux enjeux du développement durable. Ils ont notamment pour objectif de faire évoluer les pratiques agricoles de manière à limiter l’utilisation des intrants (pesticides, engrais) et ainsi leurs impacts sur l’environnement, en particulier sur la pollution des eaux.

À partir d’un diagnostic des pratiques agronomiques actuelles et passées, ils mobilisent différents leviers techniques pour mettre au point des systèmes de culture innovants : élaboration de stratégies défavorables au développement des bio-agresseurs (maladies, ravageurs, mauvaises herbes…), combinaison de pratiques culturales "alternatives" (protection intégrée des cultures, associations d’espèces…). Certains systèmes de culture innovants sont testés expérimentalement pour quantifier leurs performances et évaluer leur faisabilité. L’unité met en place et gère également des réseaux d’essais mettant en comparaison différents itinéraires techniques (combinaison des interventions sur une culture) chez des agriculteurs, sur blé et colza notamment.


Limiter l’utilisation des pesticides et des engrais

Pour réduire le recours aux produits phytosanitaires et les risques de pollution des eaux de surface et des nappes souterraines, les chercheurs préconisent trois principes : 1. améliorer les conditions de leur usage en utilisant la bonne dose au bon moment ; 2. introduire des pratiques "alternatives" non chimiques aux pesticides ; 3. repenser et combiner les pratiques défavorables aux bio-agresseurs. Par exemple, la lutte physique, par le travail du sol, constitue des leviers pour gérer les mauvaises herbes : déchaumage précoce (travail du sol destiné à enfouir les chaumes et restes de paille pour en favoriser la décomposition), faux semis (préparation du sol pour faire germer les mauvaises herbes et les détruire dès leur germination), désherbage mécanique… D’autres choix agronomiques peuvent réduire le risque de développement de maladies au sein de la culture : lutte biologique, choix de variétés résistantes, date et densité du semis, associations variétales et organisation paysagère, agissant comme barrage contre les maladies et les ravageurs.

Réduire l’usage de pesticides de 30 %, c’est possible sans perte de revenu pour les agriculteurs – Les dommages causés à l’environnement et à la santé humaine par les pesticides sont un sujet de préoccupation grandissant. Voilà pourquoi, lors du Grenelle de l’Environnement, la France s’est fixé pour objectif de réduire significativement l’utilisation de ces produits. Mais ceci est-il viable économiquement  pour les agriculteurs ? Des chercheurs de deux unités de l'INRA de Versailles-Grignon, Économie publique et Agronomie, ont réalisé une étude visant à répondre à cette question. À l’aide de modélisations, les chercheurs ont analysé divers scénarios selon lesquels la France pourrait modifier ses techniques agricoles afin d’atteindre cet objectif. Ils ont montré qu’il est possible, pour les grandes cultures, de réduire de 30 % l’usage de pesticides sans réduire ni la production ni le revenu des agriculteurs. Ces travaux ont été réalisés dans le cadre de l’étude Écophyto R&D menée par l’INRA.

Bien que leurs effets soient diffus et difficilement quantifiables, les pesticides contaminent l’eau et l’air et peuvent entraîner des maladies, notamment chez les agriculteurs qui les utilisent. La France est le premier pays consommateur de pesticides en Europe, et le troisième dans le monde. Lors du Grenelle de l’Environnement, en 2008, il a été décidé de réduire, si possible, de 50 % en dix ans l’utilisation de ces produits.

Afin de déterminer la faisabilité agronomique et la pertinence économique de cet objectif, les agronomes ont conçu, sur la base d’expertise et de résultats expérimentaux passés, des scénarios de pratiques culturales réduisant plus ou moins la quantité de pesticides consommée. Ce classement à cinq niveaux va de l’agriculture intensive, celle qui en utilise le plus, à l’agriculture biologique qui les proscrit. Entre ces deux extrêmes, on trouve trois niveaux intermédiaires : l’agriculture raisonnée, qui cherche à maîtriser les intrants agricoles, l’agriculture à bas niveau d’utilisation de pesticides, qui combine moyens chimiques et non-chimiques pour protéger les cultures, et enfin, l’agriculture intégrée, qui met en œuvre notamment des rotations de cultures afin de réduire les risques d’agressions biologiques.

À partir de cette typologie, un modèle de simulation économique a été construit sur une France divisée en huit grandes régions, valable pour les grandes cultures, notamment céréalières. Les simulations numériques réalisées à partir de cet outil ont permis de déterminer la meilleure distribution des cinq niveaux de mobilisation des pesticides en fonction de la culture et de la région, de façon à ne pas diminuer le revenu des agriculteurs. Ainsi, les chercheurs ont pu montrer qu’en développant l’agriculture à bas intrants, on pourrait faire chuter de 30 % l’usage des pesticides sans pour autant baisser la productivité des terres et sans réduire les marges des agriculteurs. En revanche, une baisse de 50 % de la consommation de pesticides conduirait à une baisse de 5 à 10 % de la productivité au niveau national. Pour atteindre cet objectif, il faudrait augmenter significativement la part de l’agriculture biologique et de l’agriculture intégrée.

Enfin, les chercheurs se sont intéressés aux mesures fiscales pouvant faire baisser l’usage des pesticides. Ils ont modélisé un système de taxation des pesticides et de subventions qui, associé au conseil et à la formation, pourrait convaincre les agriculteurs de raisonner leur usage de ces produits chimiques. Dans ce modèle, les recettes fiscales issues de la taxation sont intégralement reversées au secteur agricole. Ils ont ainsi montré que, pour atteindre l’objectif de 30 % de réduction, les pesticides devraient être taxés à 100 %, alors que l’objectif de 50 % de baisse d’usage des pesticides nécessitait une taxe de 180 %. Ces travaux enrichissent le débat sur l’usage des pesticides et sur la mise en place d’alternatives à l’agriculture intensive. Ils montrent qu’une réduction importante de l’utilisation des insecticides, fongicides et herbicides est un objectif tout à fait réaliste du point de vue économique.


Un exemple pour réduire les intrants : l’association graminées-légumineuses

L’association légumineuses et graminées constitue un moyen efficace d’accroître la productivité tout en réduisant les impacts environnementaux. En effet, l’utilisation optimale des deux sources d’azote, la fixation atmosphérique et la minéralisation de la matière organique du sol, liées aux phénomènes de complémentarité qui s’exercent dans les couverts plurispécifiques, permet de maintenir un niveau de production important, pour des niveaux de fertilisation azotée plus faibles, voire nuls. Par ailleurs, ces associations entraînent la diminution de certains bio-agresseurs, et donc de l’utilisation des pesticides.

Ces résultats s’expliquent par plusieurs phénomènes biologiques. Les bactéries Rhizobium vivant en symbiose avec les légumineuses assurent une fixation de l’azote atmosphérique. Les graminées, grâce à leurs racines profondes, prélèvent plus efficacement l’azote minéral et évitent son lessivage vers les nappes phréatiques. La lumière est mieux interceptée et donc moins disponible pour les mauvaises herbes. Enfin, chaque famille agit comme un barrage pour les maladies et ravageurs pouvant toucher son voisin.

 

Meligethes aeneus et colza, une sombre histoire de fleurs – Le méligèthe du colza (Meligethes aeneus F.) (Coleoptera, Nitidulidae) est un petit coléoptère noir. Au cours de son cycle de vie, lorsque la température atteint 8 °C (Meligethes aeneus F.) (Coleoptera, Nitidulidae) est un petit coléoptère noir. Au cours de son cycle de vie, lorsque la température atteint 8 °C, l’adulte sort progressivement d’hibernation pour voler, lorsque la température avoisine 15 °C, vers les zones de culture des crucifères, comme le colza. Il se nourrit alors du pollen des jeunes boutons floraux. Dès la fin mars, la femelle commence à pondre et dépose ses œufs dans les boutons floraux. La larve reste dans le bouton floral où elle se nourrit du pollen. Elle tombe ensuite sur le sol où elle se nymphose dans une coque terreuse. Vers la fin juin, avant récolte, l’adulte de seconde génération émerge du sol des parcelles de colza. Il va alors se nourrir d’inflorescences de différentes plantes avant d’entrer en hivernation à la fin de l’été. Le méligèthe du colza est un des ravageurs les plus importants du colza d’hiver, présent dans les principales régions du monde où cette plante est cultivée. En se nourrissant du pollen contenu dans les boutons floraux, il entraîne leur destruction et l’impossibilité pour la plante de produire un fruit. Les attaques de méligèthes peuvent entrainer des pertes de rendement allant jusqu’à 40 %.
Les résistances actuelles aux principales matières actives entrainent une relative inefficacité de la lutte chimique contre Meligethes aeneus et impliquent une diversification des méthodes de lutte.

 

Comment améliorer la protection intégrée du colza contre les attaques d’un coléoptère ravageur ? – Gérer les populations d’insectes ravageurs de colza permet de concilier production économique et protection de l’environnement. Des chercheurs de l’INRA ont récemment mis en évidence l’importance du paysage et de la gestion des cultures sur l’abondance des méligèthes, un coléoptère ravageur du colza, et les dégâts occasionnés aux plantes. Leurs travaux annoncent de nouvelles pistes de gestion des populations d’insectes ravageurs au travers de la pratique et des habitats non cultivés sur le territoire.

Concevoir des systèmes de culture qui minimisent l’usage de produits phytosanitaires en optimisant les régulations biologiques passe par une bonne connaissance de la biologie des agresseurs considérés dans leur milieu de vie. Les chercheurs de l’INRA de Versailles-Grignon et leurs collègues d'AgroParisTech ont ainsi analysé l’influence des pratiques agricoles et du contexte paysager sur les attaques de méligèthes (Meligethes aeneus Fabr.), l’un des principaux insectes ravageurs du colza d’hiver (Brassica napus L.) en Europe. Ils ont conduit une étude de grande envergure (2 ans d’étude, 42 parcelles) et développé une approche exploratoire multi-échelle allant de la plante, comme siège de la reproduction au paysage, comme lieu de vie de l’insecte.

Les travaux des scientifiques ont mis en évidence que l’abondance de forêt et prairies, dans un rayon allant de 1 500 mètres à 2 000 mètres autour de la parcelle de colza, détermine la densité et les dégâts de méligèthes. Cet effet positif important provient du rôle majeur joué par les habitats semi-naturels, et particulièrement des forêts, sur l’hivernation des méligèthes auxquels elles offrent le gite dans les couches superficielles de leur sol. Ils ont également révélé l’importance de la gestion de la culture sur les dégâts de méligèthes. Plus précisément, l’état physiologique de la plante et les conditions de développement de la culture conditionnent la capacité de la plante à produire et à remplir de nouveaux organes reproducteurs (boutons floraux, fleurs, siliques, graines) pour compenser la perte de boutons floraux occasionnée par le ravageur. Parmi de nombreux éléments, l’état de nutrition azotée de la plante, lié à la disponibilité en azote dans le sol, est un facteur déterminant. Ces travaux soulignent la nécessité de prendre en compte à la fois les pratiques agricoles et la structure du paysage pour comprendre les dynamiques de populations et les interactions trophiques dans les agroécosystèmes.

Enfin, l’ensemble des résultats et des connaissances produites dans ce travail permet de formuler de nouvelles pistes de gestion des populations de méligèthes utilisant la régulation naturelle afin de concilier développement économique et protection de l’environnement dans le cadre de la protection intégrée des cultures. Les perspectives de ce travail se poursuivent vers la modélisation de ces effets à l’échelle du paysage afin d’identifier les moyens de contrôler ce bioagresseur en manipulant les pratiques et les habitats non cultivés sur le territoire. .

 

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ResSources
Centre INRA de Versailles-Grignon
Unité mixte de recherche INRA-AgroParisTech
Département scientifique Environnement et Agronomie
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Département scientifique Sciences sociales, Agriculture et Alimentation, Espace et Environnement
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Jacquet F., Butault J.-P., Guichard L., An economic analysis of the possibility of reducing pesticides in French fields crops, Ecological Economics, mai 2011.
 
Rusch A. et al., Effect of crop management and landscape context on insect pest populations and crop damage, Agric. Ecosyst. Environ. (2011), doi. 10.1016/j.agee.2011.05.004.

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