H2o Magazine


INRA
Agriculture, eau & sécheresse

Mots clés : agriculture, agrosystèmes, climat, écophysiologie, eau, plantes, irrigation, tolérance, sécheresse
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Quels seront les impacts du changement climatique sur les besoins en eau de l'agriculture ? Le défi de la recherche est de proposer des méthodes et des outils pour évaluer et concevoir des systèmes de culture plus économes en eau et pour optimiser les stratégies d'irrigation des agriculteurs. Les chercheurs  travaillent aussi sur l’élaboration de variétés nouvelles, mieux adaptées à la sécheresse. 

INRAimages INRA – H2o février 2012 CHANGEMENT CLIMATIQUE
Les impacts sur les besoins en eau de l'agriculture

L’unité Agrosystèmes et Agricultures, Gestion de ressources, Innovations & Ruralités de l’INRA de Toulouse traite des questions de gestion de l’eau se posant à différentes échelles spatiales et temporelles, de la parcelle au territoire. Les chercheurs proposent des méthodes et des outils pour évaluer et concevoir des systèmes de culture plus économes en eau. Ils développent des modèles pour simuler et optimiser les stratégies d’irrigation des agriculteurs.

Le climat, sa variabilité et ses interactions avec les agrosystèmes sont au cœur des préoccupations de l’unité Agroclim, implantée à Avignon (INRA PACA). Elle cherche notamment à prévoir l’impact du changement climatique sur les besoins en eau des cultures. Cette unité assure également une veille agroclimatique, véritable outil de diagnostic de situations climatiques extrêmes : l’ensemble des données climatiques recueillies permet par exemple d’évaluer l’impact d’un épisode de sécheresse sur différents types de culture (blé, maïs, prairie…) ou encore les effets d’une pluie intense sur le sol et les cultures.


L’agriculture, un usager important de la ressource en eau

À chaque usage de l’eau correspondent un taux de prélèvement, un taux de consommation et une exigence de débit. L’agriculture tient une place particulière parmi les quatre grands usages de l’eau – usage agricole (irrigation principalement), usage domestique (eau potable), usage industriel et énergétique, usage environnemental (eau des rivières en quantité suffisante pour satisfaire les besoins écologiques et récréatifs). Elle prélève relativement peu (11 % des prélèvements) mais surtout consomme beaucoup d’eau car l’eau prélevée n’est que très peu restituée au milieu. L’irrigation, en France, représente en moyenne 68 % des consommations avec une forte variabilité dans le temps et dans l’espace : cette part de consommation peut aller jusqu’à 90 % durant l’été dans le sud-ouest de la France.


Recherche agronomique : comment gérer au mieux des ressources en eau

L’une des grandes problématiques sociales que le Grenelle de l’Environnement a remis sur le devant de la scène est la gestion des ressources en eau. La recherche agronomique travaille sur ce sujet depuis de nombreuses années. Afin de rendre compte de l’importance de ces travaux scientifiques, des chercheurs de l’INRA ont publié un article de synthèse. Ce papier offre un tour d’horizon de quelques outils mis au point par les agronomes pour assister les différents acteurs chargés de la gestion de l’eau. Aussi bien au niveau de la quantité comme de la qualité de l’eau, ces outils, qui utilisent souvent la modélisation et la simulation, sont déjà à l’œuvre afin de permettre une gestion rationnelle et durable de ce bien commun.

Pour les gestionnaires de l’eau, il est important d’anticiper les demandes en eau pour tous les usages, qu’ils soient agricoles, industriels ou autres. Or, de très nombreuses variables (météorologie, nature des cultures, itinéraires techniques choisis par les exploitants…) sont en jeu. Voilà pourquoi, depuis une vingtaine d’années, la recherche agronomique développe des outils informatiques d’aide à la gestion quantitative de l’eau. Parmi les plus récents, on peut citer CRASH, développé par l’INRA Toulouse (en collaboration avec ARVALIS – Institut du végétal et le Cétiom). Ce simulateur, destiné aux conseillers techniques, permettra de choisir le meilleur assolement et le meilleur itinéraire technique à l’échelle d’une exploitation, en fonction de scénarios de disponibilité en eau. ADEAUMIS, autre outil développé par l’INRA et ses partenaires est utilisé régulièrement par la Compagnie d’Aménagement des Coteaux de Gascogne. Il permet, à l’échelle d’un territoire, de réaliser un partage rationnel des ressources en eau entre les agriculteurs et les autres utilisateurs. En intégrant des scénarios climatiques et les besoins en eau d’irrigation, l’outil aide les gestionnaires à allouer des quotas d’eau d’irrigation aux agriculteurs ne dépassant pas les stocks disponibles.

La qualité de l’eau est aussi un enjeu important auquel la recherche agronomique apporte sa contribution. Ainsi, l’INRA et ses partenaires ont développé des outils informatiques de diagnostic permettant d’identifier les zones à risque concernant les pertes en nitrate dans les eaux souterraines. Ces outils permettent, par exemple, de choisir la meilleure distribution des parcelles cultivées afin de maintenir ou restaurer la qualité de l’eau.

En effet, le choix des cultures et des techniques agricoles, notamment au niveau des bassins de captage, sont des facteurs critiques qui définissent la qualité de l’eau. Sur chaque territoire, on trouve un certain nombre d’acteurs ayant leurs propres intérêts et leur propre vision de la ressource "eau". Il est en conséquence bien souvent difficile de trouver un langage et un point de vue commun. Les agronomes, par le biais de "recherches-interventions", en réunissant tous ces acteurs, font émerger des souhaits et des besoins qu’ils peuvent ensuite modéliser ou quantifier. Par exemple, ils peuvent apporter un éclairage sur le besoin ou non de la construction d’une réserve d’eau pour alimenter un territoire. Des démarches facilitant la concertation ont été proposées, qui débouchent alors sur des actions de terrain associant chercheurs, pouvoir publics et autres acteurs. C'est par exemple la réorganisation territoriale entreprise à partir de 1987 afin de protéger la ressource en eau minérale de Vittel.

Pour conclure cet article, les chercheurs se prononcent pour une plus grande imbrication des recherches sur les aspects quantitatifs et qualitatifs de la gestion de l’eau. En effet, jusqu’à présent, ces deux volets ont souvent été séparés alors que la quantité d’eau disponible affecte sa qualité, par exemple, en jouant sur la dilution d’éléments chimiques. Ce décloisonnement des domaines d’expertise permettra une plus grande contribution de la recherche agronomique à la gestion durable et raisonnée des ressources en eau. .

 

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ResSources
Centre INRA de Toulouse
Agrosystèmes et développement territorial – AGIR
Unité mixte de recherche INRA-INP Toulouse-ENSAT
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Centre INRA PACA
Unité Agroclim
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Leenhardt D., Bergez J.-É., Benoît M., Quelques contributions de la recherche agronomique à la gestion de l’eau en réponse au Grenelle de l’Environnement, Agronomie, environnement et sociétés, vol. 1, n° 1, octobre 2011.

INRA – L'eau, recherches pour une ressource vitale

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La tolérance des plantes à la sécheresse

 

D’un point de vue agricole, la gravité d’une sécheresse se définit par la disponibilité en eau du sol. En deçà d’un certain niveau, le métabolisme de la plante se modifie et son développement est ralenti. La question centrale pour l’agriculture est donc d’anticiper les conséquences du changement climatique sur le rendement des cultures pour proposer des adaptations.

D’ici 2100, les chercheurs prévoient une diminution de la disponibilité en eau des sols, principalement à cause du réchauffement, donc d’une augmentation de l’évapotranspiration, mais aussi à cause de la baisse de la pluviométrie. Avec une température plus élevée, les besoins en eau des plantes augmenteront, particulièrement pour les cultures semées au printemps. Leur cycle sera également modifié : les plantes parvenant plus tôt à maturité, la durée du semis à la récolte sera écourtée. Ainsi, pour la culture du maïs, les chercheurs prévoient d’ici 100 ans une période d’irrigation plus courte mais une quantité d’eau plus importante à apporter. En conséquence, des adaptations au changement climatique s’avèrent nécessaires. Les chercheurs travaillent à de nouvelles variétés économes en eau et plus précoces. Des cultures alternatives, comme le sorgho, constituent des pistes possibles : le sorgho est en effet mieux adapté à la sécheresse car son feuillage moins exubérant que celui du maïs transpire moins et ses racines plus profondes absorbent l’eau plus en profondeur.


Comment l'eau circule-t-elle dans la plante ? – Les racines, grâce à leurs poils absorbants, assurent le prélèvement de l’eau et des sels minéraux du sol, indispensables à la vie de la plante. L’eau et les sels minéraux, qui constituent la sève brute, sont ensuite transportés par des vaisseaux conducteurs, le xylème, à travers la plante jusqu’aux feuilles. Les stomates, orifices présents à la surface des feuilles, assurent les échanges gazeux et permettent la transpiration et la photosynthèse. En cas de sécheresse, l’architecture racinaire de la plante va se modifier et les flux de sève vont se réduire. De plus, les stomates se fermeront, limitant ainsi les échanges gazeux et freinant la croissance de la plante.

À la recherche de plantes tolérantes à la sécheresse – Les chercheurs visent à améliorer la tolérance des plantes à la sécheresse en caractérisant, puis en modélisant, la variabilité génétique de chaque espèce sur des fonctions importantes de la plante : croissance foliaire, développement reproducteur, transpiration. La tolérance à la sécheresse d’une plante est déterminée par l’adéquation entre son comportement et les scénarios climatiques auxquels elle va être exposée. Dispositif unique en France, la plateforme robotisée de phénotypage à haut débit de Montpellier permet de connaître ce comportement en exposant des plantes à des conditions contrôlées de stress (déficit d’eau, températures élevées). L’ADN de ces plantes est analysé de manière intensive, ce qui permet de caractériser la réponse de la plante au stress au niveau génétique et en temps réel. Ce phénotypage repose sur une connaissance précise de la carte d’identité génétique (séquençage massif de l’ADN) et moléculaire propre à chaque espèce végétale.

Les chercheurs du Laboratoire d’écophysiologie des plantes sous stress environnementaux de l’INRA de Montpellier étudient le comportement des plantes face à différents stress (manque d’eau, températures élevées), notamment les effets sur le développement des feuilles et des racines, et sur la transpiration des plantes. Ils fournissent des modèles permettant de prévoir quelles combinaisons de fonctions (croissance, transpiration) sont susceptibles d’optimiser la production en fonction du climat. Leurs travaux s’appliquent à l’analyse de la variabilité génétique existante, passée ou future, principalement sur trois espèces : le maïs, la vigne et la plante modèle Arabidopsis thaliana.


PhénoArch : une plateforme innovante pour analyser la tolérance à la sécheresse chez les plantes

Les préoccupations de l’agriculture face au changement climatique rendent urgent le développement de plantes qui tolèrent des contraintes environnementales plus fortes telles que le déficit hydrique, des températures plus élevées ou un air plus sec. Pour cela les chercheurs de l’INRA de Montpellier disposent depuis cette année d’une plateforme unique en France. Elle permet l’analyse quantitative simultanée du comportement de 1 650 plantes, cultivées dans une serre, pour en dégager les caractéristiques les plus intéressantes afin de sélectionner et d’améliorer des espèces d’intérêt agronomique. Cette opération a pu être réalisée grâce à un financement exceptionnel de l’INRA, au soutien du Conseil régional Languedoc-Roussillon et de partenaires (CNRS, CIRAD, Université Montpellier 2 et Montpellier SupAgro).

Un premier défi était technologique car il faut pouvoir mesurer sur des milliers de plantes plusieurs caractéristiques de façon simultanée et automatique, en même temps que les conditions environnementales. Un second défi était – et reste – scientifique, pour gérer et organiser de grandes quantités d’information, calculer des variables ayant un sens biologique à partir de variables brutes et les mettre en relation avec les conditions environnementales et les caractéristiques des génomes.

La plateforme PhénoArch permet l’analyse de 1 650 plantes, simultanément avec les conditions climatiques et l’état hydrique du sol mesurés toutes les minutes. Les plantes, qui peuvent être des céréales, de la vigne ou des petits arbres, sont cultivées en pots qui se déplacent sur des convoyeurs gérés informatiquement. La teneur en eau du sol est automatiquement contrôlée dans chaque pot par pesée et arrosage automatique pour obtenir une humidité cible pour chaque plante étudiée.

L’architecture et la surface foliaire de chaque plante sont suivies par des images en trois dimensions prises à intervalles réguliers. L’accumulation de biomasse est également estimée par imagerie, et la transpiration par pesées successives. Ces données permettent de calculer l’efficience d’utilisation de la lumière ou de l’eau des différentes variétés et espèces analysées. Chacun de ces caractères est ensuite analysé génétiquement pour identifier des modalités de gènes (allèles) qui apportent des avantages aux plantes en conditions de stress.

PhénoArch a ainsi la capacité d’identifier les déterminismes génétiques de caractères agronomiques essentiels mais difficiles à mesurer en plein champ. .

 

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ResSources
Centre INRA de Montpellier
Unité mixte de recherche INRA-Montpellier SupAgro
Laboratoire écophysiologie des plantes sous stress environnementaux – LEPSE
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INRA – Plateforme PhénoArch
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