H2o Magazine

La salle de bains du 21ème siècle

Mots clés : salle de bains, marché du sanitaire, matériaux, ergonomie, esthétique, rangement, environnement

199909_salledebains_itc.jpgLa salle de bains n’évolue que lentement. Si la notion de "bain" prend sa source dans l’antiquité (la première baignoire connue est crétoise, et date de 17 000 ans), la pièce ainsi nommée, dans l’habitat moderne, n’est véritablement apparue qu’à la fin du 19ème siècle, avec une révolution technique ; celle de la maîtrise du fluide essentiel, c’est à dire l’eau courante et la production d’eau chaude.

Pierre MAINillustration Matilda, une création imaginée par Boffi BainsH2o – septembre 1999

 

Une évolution lente

L’équipement sanitaire est tout juste centenaire. C’est en effet vers 1880 que l’eau et le gaz, canalisés, commencent à apporter en Europe le confort de l’arrivée instantanée dans les immeubles et maisons individuelles d’une minorité de privilégiés. Ils vont alimenter des équipements que quelques industriels fabriquent déjà en série : réchaud à gaz, cuvette WC, baignoire, lavabo, lave-pieds, bidet… Les fournisseurs de la salle de bains sont de grands céramistes, comme Villeroy & Boch, ou des spécialistes de la fonte, comme Jacob Delafon, devenus également céramistes.

Ce progrès n’est pas initié par les fabricants, qui ne font que répondre à un marché qui s’ouvre, mais par l’activité des médecins hygiénistes, des ingénieurs et des pouvoirs publics, s’efforçant de faire reculer l’insalubrité et le manque d’hygiène. Le baron Haussmann et l’ingénieur Belgrand ont ainsi beaucoup oeuvré pour la salle de bains, bien que celle-ci n’ait pas été au centre de leurs préoccupations.

En réalité, l’espace bain se créé ex nihilo, ou presque. Il part d’un simple meuble de toilette, généralement situé dans la chambre à coucher, ou bien d’un cabinet de toilette, le plus souvent réduit aux dimensions d’un modeste placard.

Cette progression mesurée, comme celle de l’hygiène (surtout en France), explique pourquoi la salle d’eau souffre toujours d’une longueur de retard sur la cuisine, en espace comme en équipement.

Une pièce qui se cherche

Salle de bains, espace bain, salle d’eau et de détente, cabinet de toilette ou seconde salle de bains, salon de bains… autant d’appellations et de directions possibles. La fonction initiale est l’hygiène ; base légitime sur laquelle tout le monde s’accorde. Mais les équipements modernes, du mitigeur thermostatique à la baignoire équipée balnéothérapie ou la douche hydromassante, appellent d’autres fonctions annexes.

De l’hygiène, on passe aisément aux soins du corps et à son entretien. Ainsi, le mobilier de bain, gagnant en esthétique et en fonctionnalité, se substitue à la coiffeuse, meuble désuet des chambres à coucher. Accueillant un arsenal toujours plus complet de produits de soins, la salle de bains devient un espace-beauté.

Avec l’arrivée de baignoires et de douches équipées pour l’hydromassage, c’est une fonction détente, relaxation, et même para-médicale qui s’installe. Il ne s’agit plus de se nettoyer mais de détendre des muscles et des articulations, d’évacuer du stress.
Cette dernière fonction s’étend jusqu’à une nouvelle, connexe : la remise en forme ou le fitness. La logique veut que l’on installe les appareils de sport à domicile (vélo, rameur, marcheur, espalier ou simples haltères) à proximité de la douche. La salle de bains appartient donc également à la sphère du loisir.

Enfin, en habitat collectif, il reste une fonction lavage, non du corps mais du linge, qui trouve sa place (à défaut d’une autre, spécifique) dans la salle de bains, où l’on dépose souvent le bidet pour installer une machine à laver le linge, voire une lavante-séchante.

Options architecturales

À la fin du 19ème siècle, la salle de bains n’est pas encore dans le crayon des architectes, sauf si la demande est spécifiée. Comme il s’agit le plus souvent d’immeubles de standing, de villas ou d’hôtels particuliers, ils peuvent voir grand. Il en sera de même au cours de l’entre-deux-guerres, avec des réalisations qui feraient pâlir d’envie nos contemporains, mais toujours exceptionnelles quant à leur fréquence. L’après-guerre, les trente glorieuses, marquées par l’impérieux besoin de reconstruire et de construire, placent l’architecte sous la coupe du promoteur. Celui-ci gomme les surfaces trop généreuses et s’en tient à la réglementation officielle.

Le premier problème est donc celui de l’espace. De nos jours, 60 % des salles de bains françaises occupent moins de 7 m2, parce que les promoteurs ne retiennent que la fonction hygiène. Une surface trop réduite pour répondre aux fonctions qui se profilent. L’évolution devrait ainsi aller vers des surfaces moins exiguës, vers 10, 12 m2, et même plus. Certains constructeurs de maisons individuelles, dont les plans intérieurs sont modulables, font état de demandes de plus en plus nombreuses pour des salles de bains spacieuses, allant jusqu’à 18 m2.

Dans le logement collectif, les progrès constants des matériaux et des techniques devraient favoriser la conception de "plateaux", c’est à dire d’appartements dont l’acquéreur aurait la possibilité de concevoir selon ses goûts et ses besoins la distribution des pièces. Distribution qui pourrait être modifiée par un occupant ultérieur.

Si l’on met de côté la contrainte de l’espace, l’intégration des nouvelles fonctions susciterait des options architecturales allant dans trois directions :

  • la salle de bains soins/détente située dans le prolongement de la chambre à coucher ;
  • la salle de bains fitness, à l’écart de la salle d’eau hygiène, consacrée à des appareils de training et à des équipements importants tels que la douche/hammam, le spa, ou le sauna ;
  • la buanderie accolée à la salle de bains, résolvant les fonctions lavage, séchage et rangement du linge.

Les paramètres de l’évolution

La salle de bains est au coeur d’un marché : celui du sanitaire. C’est le premier paramètre à considérer. Sans entrer dans les détails de ce marché, il faut savoir que l’on assiste à un phénomène de mondialisation au niveau de la production, avec des délocalisations de sites industriels vers les pays à faible coût de main d’oeuvre, afin de comprimer les marges et de pouvoir proposer des produits basiques de moins en moins cher. Ces produits tendent vers une uniformisation, qui reste cependant freinée par des conceptions d’hygiène quotidienne et d’équipement qui varient d’un pays à l’autre. Le jeu industriel cherche un équilibre entre séries longues et séries courtes, jouant sur des réseaux de distribution bien différenciés, et des amplitudes de prix très fortes pour un même type de produit.

Le second paramètre est celui des matériaux. Le matériau d’élection, la céramique, le restera longtemps du fait de son adéquation parfaite avec les contraintes d’hygiène et d’entretien. Aux côtés de la céramique sanitaire, nous trouvons les polymères, mais essentiellement le méthacrylate de méthyle (l’acrylique), de venu le matériau leader de la baignoire, et concurrent de la céramique pour les vasques et les receveurs. Ce matériau n’exige pas les mêmes investissements industriels que la céramique ; en outre, il est largement perfectible. Son amélioration lui permettra de contenir la progression des résines à charges minérales, qui présentent l’avantage d’être résistantes et autoportantes, mais sont plus coûteuses. La fonte et l’acier émaillés sont destinés à décliner. Le verre, l’inox, le bois naturel sont des matériaux de complément dont la présence, plus ou moins accentuée, restera liée à des phénomènes de mode.

Le troisième paramètre est l’esthétique, ou design. Les appareils sanitaires font l’objet d’une créativité importante et méconnue. Le design touche essentiellement le haut de gamme. Il va désormais investir les gammes intermédiaires et les produits bon marché, car il représente en soi une valeur ajoutée déterminante pour les consommateurs.

Quatrième paramètre : l’ergonomie. La France est très en retard dans ce domaine, et cette discipline reste encore ignorée par de nombreux designers-stylistes. La prise de conscience ergonomique s’est faite logiquement dans le mobilier et le matériel de bureau, elle s’est ensuite tournée vers le mobilier scolaire, aujourd’hui, sous l’effet du vieillissement de la population, elle doit s’intéresser à la salle de bains, lieu d’accidents domestiques nombreux.

Cinquième paramètre : le rangement. Il détermine le développement d’un mobilier de bain spécifique.

Dernier paramètre : l’environnement. Il concerne les économies d’eau, préoccupation encore relative dans la population française, mais qui devrait s’accroître, et le recyclage des matériaux, déjà pris en compte par les industriels, et plus particulièrement les fournisseurs de matériaux polymères.

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L'avenir des équipements

 

Le lavabo – Cet appareil indispensable va évoluer dans trois directions principales : le lavabo suspendu avec cache siphon (en céramique) qui facilite l’entretien ; le plan de toilette avec vasque intégrée (céramique ou composites) qui se pose sur un meuble de rangement ; le lavabo sur colonne de style ancien (1900 ou 1930) pour réaliser une ambiance rétro. Pour les petites salles d’eau, on assistera au développement de la vasque semi-encastrée sur meuble de faible profondeur.


Le bidet – Cet appareil est en déclin (il est souvent déposé pour installer une douche ou une machine à laver le linge), sauf dans sa version suspendu, sur bâti-support métallique.


La baignoire
– On entend souvent dire que cet appareil est démodé, que l’avenir est à la douche. C’est une erreur. Il n’y a pas opposition entre la douche et la baignoire, mais complémentarité. C’est avant tout le manque de place qui oblige à faire des choix, alors qu’une large majorité de personnes souhaitent utiliser l’une et l’autre.

L’acrylique est le matériau dominant ; il sera de plus en plus associé à d’autres matériaux pour des objectifs différents : des mousses polymères pour réaliser des appuis-tête, des poignées, des sièges amovibles ; le bois pour former des socles, des étagères d’appoint ; l’acier pour agrémenter la baignoire de barres porte-serviettes ou barres de maintien.

Deux évolutions sont à considérer en fonction de l’espace disponible. Dans les petites surfaces, la baignoire va concilier le bain et la douche, soit en facilitant la pose d’un écran (la cuve de la baignoire ménageant un espace plane pour pouvoir se doucher en sécurité), soit au moyen d’un combiné bain/douche, structure associant une petite cabine à une baignoire. Lorsque l’espace ne fait pas défaut, la baignoire ne sera plus encastrée entre deux murs, mais sera installée en épi ou en îlot. Ces baignoires présentent des qualités esthétiques indéniables qui méritent de la mettre en valeur comme un meuble (Aquamass, Düker, Hoescht, Jacob Delafon, Neomediam, Villeroy & Boch) et de réaliser un espace détente attractif.

La douche – Il y a plusieurs façons de concevoir une douche. La première fait appel à l’assemblage de constituants : receveur, parois, robinetterie ; la seconde fait le choix d’une cabine complète (tout y est) qu’il suffit de raccorder au circuit d’eau.

Dans le premier cas, nous verrons l’utilisation soit de receveurs extra-plats (environ 5 cm de profondeur), soit de receveurs plus profonds et disposant d’un siège intégré. Le receveur sera équipé de parois et d’une porte en verre trempé (4 à 6 mm) transparent ou sérigraphié, montés sur profilés minces en aluminium anodisé, laqués ou chromés. La robinetterie comprendra un mitigeur thermostatique, relié à une douchette à main 3 jets, équipée d’un système anticalcaire et d’un économiseur d’eau. Dans le second cas, les cabines complètes feront appel soit au polystyrène choc, soit à l’acrylique sanitaire. Elles disposeront du même équipement.

Dans les deux cas, la douche va évoluer vers plus d’ergonomie, c’est à dire se doter d’étagères porte-savons ou porte-flacons, d’un siège (fixe ou amovible), d’un repose-pieds, et d’une barre de maintien. Les receveurs bénéficieront d’une taille optimale de 90 x 90 cm, d’une structure antidérapante et d’une bonde à large débit (bonde de 90 ou de 115) permettant de faire évoluer l’ensemble vers l’hydromassage.

L’hydromassage – Les systèmes d’hydromassage concernent la baignoire et la douche, dans l’esprit détente/relaxation/remise en forme de la salle de bains.

Pour la baignoire, deux systèmes vont s’affirmer. En premier, le système air + eau, avec des buses latérales utilisant l’effet Venturi, à destination des utilisateurs recherchant un effet détente avec le maximum de simplicité. En second, le système mixte, associant les buses latérales du système air + eau à des injecteurs d’air (situés dans le fond de la baignoire), sera destiné aux utilisateurs qui veulent aller plus loin dans l’hydrothérapie, avec des massages plus puissants et plus sophistiqués, ou bien des massages programmés à l’avance.

Ces systèmes vont se compléter d’options diverses, dans un objectif de bien-être : massage par ultrasons (Teuco), options senteurs, couleurs et sons (Albatros).

Pour la douche, l’hydromassage sera obtenu selon trois moyens. Dans une douche existante, par l’installation d’une colonne de douche, aisément raccordable et pourvue de jets latéraux (de 4 à 8), solution récente mais dont l’avenir n’est pas établi. Le second moyen consiste dans l’installation d’une cabine de douche multifonctions, c’est à dire d’une cabine complète, dotée de plusieurs types de jets permettant un massage cervical, dorsal, lombaire, des jambes et, éventuellement des pieds, avec une fonction pédiluve. Ces cabines d’avenir sont plus ou moins sophistiquées, comme les systèmes de balnéothérapie. Elles peuvent autoriser plusieurs types de massages (pulsant, douche écossaise, drainage lymphatique…), programmés ou non. Elles disposent d’un siège confortable, de multiples options, dont la bain de vapeur, la cabine étant hermétique.

Ces cabines, dont les systèmes sont parfaitement au point, vont gagner en esthétique, en confort, certaines proposant deux sièges.

Le troisième moyen consiste à encastrer les jets dans une structure maçonnée. C’est un système connu depuis longtemps, qui laisse le plus de possibilités d’expression aux architectes d’intérieur.

Les économies d’eau vont favoriser deux techniques. La première concerne les cabines à recyclage de l’eau, lesquelles fonctionnent au moyen d’une réserve d’eau et d’un pompe. La seconde concerne les douches brumisantes, qui projettent un brouillard d’eau, procurant un rafraîchissement relaxant pour une consommation réduite.


La robinetterie – L’évolution va vers le mitigeur. Deux axes sont à retenir : la sécurité et les économies d’eau. Ces deux objectifs sont atteints à l’aide de leviers qui opposent une certaine résistance lorsque l’on atteint un débit ou une chaleur importante. Les mitigeurs thermostatiques régularisent la température de l’eau, déterminée à l’avance, avec un dispositif bloquant qui évite le risque de brûlure.

La robinetterie électronique va permettre, lorsque le logement est câblé et conçu dans un esprit domotique, de déclencher des fonctions à distance : remplissage d’une baignoire par exemple. Mais elle va autoriser des réglages de température et de débit pour les usages courant, ou bien faciliter l’hygiène.


Les toilettes – Ce sera la domaine des cuvettes suspendues, utilisant un bâti-support métallique ou une banquette technique, équipées d’un réservoir à mécanisme double chasse (6-9 litres).

L’avantage de cette solution est de faciliter l’entretien et de réaliser d’importantes économies d’eau. Il ne semble pas que les toilettes à la japonaise, équipées d’une douchette rétractable et d’un séchage par air chaud soit un modèle facilement exportable en Europe.

Le mobilier – Il fait de plus en plus appel au medium density, et aux mélaminés. Il peut être fixé ou posé (meubles nomades), sur socle ou suspendu. L’avenir est au mobilier récupérable lors d’un déménagement, donc aux meubles nomades (sur roulettes) ou aux meubles posés sur socle. Le mobilier design présente désormais des caractéristiques esthétiques qui ne le limitent plus à la seule salle de bains. C’est le cas des armoires de bain, qui peuvent très bien prendre place dans une chambre, par exemple.

Le décor – La salle de bains classique n’est ni très belle, ni très originale. Le futur du décor est difficile à définir car trop dépendant de la notion de mode, mais on peut retenir trois directions pour les ambiances de la prochaine décennie. Le salon de bain : ambiance raffinée, parfois un peu surchargée, qui peut être réalisée soit avec des appareils sanitaires et du mobilier contemporains, soit avec des appareils et du mobilier rétro. Le déstructuré : un style qui convient surtout aux jeunes (mais jusqu’à 50 ans et plus) et qui joue sur la couleur, le mobilier nomade, la récupération d’objets. Le style zen : assez prisé en salle de bains, il utilise des appareils aux lignes très pures et très sobres (lavabo, baignoire), peu de meubles, des tons blancs et gris.