H2o Magazine

Ontario's Global Water Leadership Summit

Mots clés : Ontario, Canada, développement, entreprises, innovation, recherche, R&D, universités

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Un sommet pour le développement et l'innovation dans l'eau

Si en langue huronne, Ontario signifie "belle eau scintillante", la province canadienne aussi gardienne des  Grands Lacs est bien décidée à faire de l’eau "sa" spécialité. C’est donc sans ambages que la province a organisé la seconde édition de son Global Water Leadership Summit, en français, Sommet mondial pour le développement du secteur de l’eau.

Martine LE BECh2o – mai 2011

21 centres de recherche
300 entreprises de pointe

Le secteur de l’eau regroupe en Ontario environ 900 acteurs représentant un effectif de 22 000 salariés. À côté des acteurs mondiaux comme Veolia Water, Danaher, American Water, GE Water ou Nalco Corporation, le tissu industriel local s’est progressivement renforcé pour englober aujourd’hui quelque 300 entreprises qui ont principalement développé leur expertise dans les nouvelles technologies : l’ultrafiltration, le rayonnement ultraviolet, la nanofiltration, les systèmes de suivi et de contrôle, etc.

Le secteur compte aussi à travers la province 21 centres de recherche, parmi lesquels l'Environment Canada’s National Water Research Institute –  Institut national de recherche sur les eaux (basé à Burlington, l’institut regroupe près de 400 chercheurs et techniciens spécialisés dans les questions environnementales) ;  le Réseau canadien de l’eau – Canadian Water Network, basé à Waterloo (ses initiatives en cours impliquent plus de 100 chercheurs et 200 étudiants en lien avec une centaine d’entreprises, administrations ou ONG)  ;  l’Institut de l’eau – Water Institute, de l’Université de Waterloo (chef de file de renommée internationale dans la recherche sur l’eau, l’institut rassemble l'expertise de plus de 100 membres du corps professoral , représentant 6 facultés et près de 20 départements ) ou encore l’Institut pour l’eau, l’environnement et la santé de l’Université des Nations unies, installé à l’Université McMaster, à Hamilton.

Plus généralement, l’Ontario peut se prévaloir d’être devenu un centre d’excellence de la R&D, regroupant plus de 100 000 chercheurs répartis dans de multiples spécialités. C’est d’ailleurs en liaison avec l’édition 2011 de OCE Discovery, le salon de la recherche et de l’innovation, qu’était organisé le Global Water Leadership Summit.


Une politique volontariste

À  quelques mois des élections provinciales, trois ministres sont venus supporter l’évènement : Glen Murray, ministre de la Recherche et de l'Innovation, Sandra Pupatello, ministre du Développement économique et du Commerce ainsi même que Dalton McGuinty, Premier ministre.

La province offre en matière de R&D des incitations fiscales parmi les plus généreuses au monde puisqu’une dépense de 100 dollars peut être réduite à 56 dollars, voire à moins de 39 dollars pour les petites entreprises. Par ailleurs, un projet de développement accéléré des technologies de l'eau – TechnEAU Plus – a été doté de 5 millions de dollars de crédits (1 dollar CAN = 0,72 euros). La province vient par ailleurs d’annoncer qu’elle investira plus de 16 millions de dollars, soit 12 millions d’euros, pour soutenir l'innovation liée à l'eau propre par le biais du Fonds pour la recherche en Ontario et du Fonds pour les projets pilotes d'innovation.

L’Ontario tient particulièrement à tirer profit de son appartenance à l’ALENA – Accord de libre-échange nord-américain, et de sa proximité avec les États-Unis qui représentent un marché annuel eau potable + eaux usées de 113 milliards de dollars, et sur lequel les investissements annuels en infrastructures devraient s’élever, selon Global Water Intelligence, à 50 milliards de dollars d’ici 2016.

Les coûts de production sont en Ontario plus faibles qu'aux États-Unis ainsi d’ailleurs qu’en France, au Royaume-Uni, en Italie, en Allemagne ou au Pays-Bas. La province a considérablement réduit ses taux d’imposition sur les entreprises et cet effort devrait se poursuivre puisque le taux d'imposition sur les nouveaux investissements en capital devrait progressivement passer de 18,6 % aujourd’hui 16,2 % en 2018.

Les premiers partenariats ont vu le jour, notamment avec les États-Unis, les Pays-Bas, Israël et Singapour.  .

 

 ResSources
201105_ontario_logo.gif Ontario's Global Water Leadership Summit
Investir en Ontario – ministère du Développement économique et du Commerce
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Artemis Top 50 Compagnies

Les grandes entreprises du monde entier cherchent des moyens pour transformer la rareté de l'eau en avantage concurrentiel. Cela signifie aller au-delà des toilettes à faible débit et de l’irrigation au goutte-à-goutte pour s’avancer vers des technologies plus en pointe. Cette situation crée des opportunités inégalées pour les entrepreneurs avertis qui auront su élaborer les bons produits et les bonnes stratégies pour répondre à la demande croissante des entreprises.

Laura Shenkar
– directrice du Projet Artemis de valorisation de l’innovation dans le secteur de l’eau
The Artemis Project – San Francisco USA


Apercu du Top 50 des entreprises les plus innovatrices.
Images Xogen Technologies

AQUARIUS TECHNOLOGIES Inc.
Port Washington – Wisconsin États-Unis
Le traitement des eaux usées
La société commercialise le procédé de boues activées MSABP – Multi-Stage Activated Biological Process visant à produire le moins possible de boues. Elle a également mis un point un procédé électro-catalytique de  traitement des eaux usées offrant un haut degré de traitement des substances toxiques et des matériaux non-biodégradables. Il s’agit du procédé ELCAT dont les performances s’élèvent à 98-100 % d’élimination pour les colorants, 75-85 % pour le COD, 75-85 % pour les détergents et 90-99,9 % pour les phénols. Le procédé est actuellement en usage dans les industries chimique, alimentaire et textile.
Aquarius Technologies Inc.

EMEFCY Ltd.
Caesarea – Israël
Des kWh dans les eaux usées
Emefcy a été créée en 2007 avec pour ambition de révolutionner l’économie du traitement des eaux usées. Le bio-réacteur électrogène – EBR Electrogenic Bio-Reactor, développé par l’entreprise permet de  produire de l'électricité directement à partir du traitement des eaux usées. Le procédé utilise la technologie des piles à combustible microbiennes (MFC).
Emefcy Ltd.

ENBALA Power Networks
Toronto – Ontario Canada
La gestion de la demande énergétique
Les services publics d'approvisionnement en eau utilisent beaucoup d'énergie au cours des procédés de pompage, d'entreposage et de traitement. Cependant, la quantité d'énergie nécessaire et le moment exact où elle est requise laissent souvent une marge de manœuvre. La technologie de réseau intelligent d'Enbala, Energy Balance, permet aux services publics d'approvisionnement en eau et aux exploitants de réseaux électriques de gérer les variations brusques de la demande, de maximiser l'efficience du système en dehors des périodes de pointe et, in fine, de minimiser l'ensemble des coûts énergétiques. L’Energy Balance est actuellement à l'essai à Windsor (Ontario) et dans quatre installations américaines exploitées par American Water.
Initialement établie en Colombie-Britannique, Enbala réalise aujourd'hui la majeure partie de ses activités en Ontario. Elle vise dorténavant l’international, et particulièrement les marchés européens et chinois.
Enbala Power Networks

201105_ontario_artemis_xogen_01.jpg L'innovation cumulative
Incrémentale

EVANDTEC
Toronto – Ontario Canada

Optimisation du système de refroidissement dans les systèmes de climatisation
Les systèmes de climatisation ont des coûts d'exploitation importants auxquels s’ajoutent des répercussions environnementales.  Au cœur de ces systèmes se trouve une tour de refroidissement. La solution d'Evandtec combine un système breveté de traitement de l'eau conçu pour éliminer le tartre et prévenir les contaminants biologiques grâce à un système de surveillance à distance qui permet de garantir à l’exploitant un fonctionnement optimal. Les économies moyennes ainsi réalisées s’élèvent à 10 % sur les coûts d'énergie et plus de 20 % sur les consommations d'eau. La solution a été adoptée par les sociétés de distribution Walmart et Tesco ainsi que des hôpitaux.
Evandtec

PURIFICS ES Inc.
London – Ontario Canada
Les membranes en céramique
Fondée en 1993, Purifics ES Inc. met au point et fabrique des technologies brevetées de traitement et de purification de l'eau exemptes de produits chimiques entièrement automatisées, qui sont reconnues pour leur fiabilité, leur durabilité et leur faible coût de cycle de vie. La société consacre 15 %  de ses revenus annuels à la R&D.
Ses membranes en céramique sont vendues au Canada, aux États-Unis, en Corée, en Australie et sur d'autres marchés mondiaux. Elles sont notamment mises en œuvre pour l'assainissement des eaux souterraines dans les lieux couverts par le Superfund américain (loi fédérale visant à nettoyer les sites souillés par des déchets dangereux) ou, au Canada, pour le traitement de l'eau dans les sables bitumineux de l'Alberta.
Purifics ES Inc.

REAL TECH Inc.

Whitby – Ontario Canada
Le contrôle de la qualité e temps réel
Les systèmes de Real Tech permettent à leurs utilisateurs de contrôler la qualité de leur eau en temps réel 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Le fabricant a également mis au point un laboratoire portatif pour effectuer des tests sur le terrain qui permettent d'obtenir des résultats en quelques minutes.
L’entreprise a bénéficié d'un appui important du centre de la découverte MaRS de Toronto, un centre de recherche et d'innovation qui réunit le monde des sciences et des affaires avec pour objectif d'améliorer de façon importante les résultats commerciaux des entrepreneurs.
Real Tech Inc.

201105_ontario_artemis_xogen_02.jpg L'innovation importante
Radicale

SCFI Group Ltd
Cork – Irlande
Le traitement des déchets organiques liquides
La technologie AquaCritox utilise les propriétés de l’eau "supercritique" (portée à certaines conditions de température et de pression, au-delà de 374 °C et 221 bar) pour détruire  les déchets organiques liquides et produire de l'énergie renouvelable. Le procédé évite la production d'oxydes d’azote ou de soufre qui serait le fait d’une incinération classique, par ailleurs coûteuse.
SCFI Group Ltd

Trojan Technologies
London – Ontario Canada

En trois décennies, l’entreprise a développé des technologies de purification de l'eau qui comptent parmi les plus novatrices au monde. Aujourd'hui, Trojan possède la plus importante base établie de systèmes de traitement de l'eau aux rayons ultraviolets avec des installations dans plus de 60 pays, y compris plus de 1 500 installations en Europe.
Trojan Technologies

UV Pure Technologies
Scarborough – Ontario Canada
Le traitement aux rayons UV
Concepteur et fabricant de technologies avancées de purification de l'eau, UV Pure compte plus de 10 000 systèmes actuellement installés en Amérique du Nord, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Chine et au Brésil. Elle compte des clients comme GE, Siemens, Compagnie 3M, Premier Tech, Kinetico et Culligan. La société Boeing a adopté la version aérospatiale d'un système de UV Pure pour purifier l'eau à bord du nouveau 787 Dreamliner.
UV Pure Technologies

Xogen Technologies
Orangeville – Ontario Canada
Le procédé électrolytique pour le traitement des eaux usées

Xogen Technologies apporte une solution pour les exploitants de systèmes de gestion de l'eau en milieu urbain contraints d'accroître leur capacité, mais qui sont aux prises avec une pénurie d'installations. Le processus novateur réduit le temps de traitement habituel de 8 heures à 15 minutes seulement, permettant une réduction des coûts en immobilisations qui peut atteindre 40 %. Le processus élimine la production de biosolides, remplacés par de l'hydrogène et de l'oxygène que les exploitants peuvent réutiliser ou vendre.
Xogen Technologies


201105_ontario_artemis_xogen_03.jpg L'innovation transformatrice
De rupture
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Quelle place pour l'innovation dans le secteur de l'eau ?

Quelle place pour l’innovation dans le secteur de l’eau ? Quelles opportunités, et aussi quels défis, l’innovation représente-t-elle pour les acteurs ? Sur quelles évolutions – technologiques ou de marché – les nouveaux acteurs peuvent-ils se fondés pour développer un business modèle adéquat ? Partenaire de l’Ontario’s Global Water Leadership Summit, Sheeraz Haji, président-directeur général du Groupe Cleantech, ouvre quelques pistes de réflexion.

Cleantech Group

 

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  • une forte centralisation
  • une trop faible flexibilité
  • une forte intensité capitalistique
  • des pertes énormes

Pourtant l’attention des entreprises ne se focalise plus sur exclusivement sur leurs consommations énergétiques ; l’eau devient pour elles un nouveau centre d’intérêt, que ce soit d’ailleurs d’un point de vue financier ou pour répondre aux préoccupations de leurs propres clients. Ainsi la chaîne de distribution américaine Walmart a demandé à ses fournisseurs de lui fournir un bilan d’évaluation de leurs efforts en matière environnementale. Parmi les 15 questions posées, figuraient les deux questions suivantes :

  • Si l’évaluation a été faite, quelle est consommation totale d'eau réalisée pour la production à destination de Walmart ?
  • Avez-vous publié des objectifs de réduction de vos consommations d'eau ? Si oui, quels sont ces objectifs ?

Chaque enfant – futur citoyen, consommateur et client – apprend aussi dorénavant combien il faut d’eau pour produire un kilogramme de viande, une paire de blue jeans, une voiture ou une tonne d’acier.


Une innovation imposée
En dépit de l’attractivité médiocre du secteur

Le stress hydrique, l’âge moyen des infrastructures, les pollutions émergentes : tous trois en augmentation, face auxquels les besoins grandissants pour l’alimentation, l’énergie ou les biens de consommation courante ainsi qu’un désir pour une eau "durable", font que l’innovation est dorénavant imposée. Elle devient la condition de la survie de l’industrie. 

Le secteur reste cependant peu attractif pour les investissements de capital-risque. Le prix de l’eau ne reflète pas sa rareté et, en fin de compte, trahit sa valeur. Les politiques de l’eau et les cadres réglementaires évoluent lentement.

Les technologies propres ont, en 2010, totalisé 7,9 milliards de dollars US en investissements de capital-risque, répartis sur 738 opérations.  Elles tendent ainsi à récupérer le recul enregistré en 2009, à 6 milliards de dollars, contre 8,9 milliards en 2008 (répartis sur un nombre plus limité d’opérations : 584). Le secteur de l’eau ne représente cependant que 3 % de ces investissements – soit une part équivalente aux investissements recueillis par l’éolien ou les réseaux intelligents ; mais  loin derrière  le solaire (24 %), l’efficacité énergétique (18 %), le transport et le stockage d’énergie (13 % chacun) ou encore  les biofuels et les biomatériaux (8 %).

En valeur absolue, les investissements recueillis en 2010 par le secteur ont représenté 257 milliards de dollars, répartis sur 47 opérations.  43 % des investissements se sont orientés vers le traitement des eaux usées, contre 40 % pour l’approvisionnement  en eau (les technologies de filtration et de purification, inclus le dessalement),  13 % pour les systèmes de gestion  et 3 % la préservation de la ressource.

Les opérations les plus importantes ont été : Seven Seas (65,9 M USD), MIOX (49,5 M USD) Wellspring (47,9 M USD), Halosource 46 M USD), WaterHealth (45,2 M USD), EnerTech (45 M USD), Quench (39 M USD), Waterleau (33,8 M USD). Les investisseurs les plus actifs ont aussi été : KPCB, Emerald Tech Ventures, Chrysalix, XPV, SAIL Venture Partners, Element et Kinrot Ventures.

Les analystes espèrent néanmoins que le secteur de l’eau devienne progressivement plus attractif et misent sur un rattrapage.  Ils estiment que les acteurs industriels ainsi que les opérateurs, publics comme privés, auraient d’ailleurs tout intérêt à communiquer davantage. Ils relèvent néanmoins deux points positifs : d’une part, une augmentation des financements en amont des projets (synonyme d’une meilleure appréhension du secteur par les investisseurs) et, d’autre part, une attention accrue des investisseurs envers les technologies visant à améliorer l’efficacité, notamment énergétique, des traitements.

En se complexifiant la chaîne de valeur du secteur de l’eau ouvre de nouveaux domaines d’innovation. Alors aussi que la venue des technologies hi-tech dans le secteur de l’eau est relativement récente, le mouvement devrait s’accélérer. Il reste que le cycle d’adoption des nouvelles technologies reste dans le secteur relativement lent ; que les marchés sont aussi extrêmement épars et fragmentés. Cela représente une difficulté de plus pour les jeunes entreprises innovantes. 


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En se complexifiant, la chaîne de valeur du secteur de l’eau ouvre de nouveaux domaines d’innovation. Alors aussi que la venue des technologies hi-tech dans le secteur de l’eau est relativement récente, le mouvement devrait s’accélérer. Il reste que le cycle d’adoption des nouvelles technologies est dans le secteur relativement lent ; que les marchés sont par ailleurs extrêmement épars et fragmentés. Cela représente une difficulté de plus pour les jeunes entreprises innovantes.  .