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Afrique du Sud
L'apprentissage de l’audit social

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Dossier de
la rédaction de H2o
  
31/08/2014

Les manifestations contre la médiocrité des prestations de services comme l'approvisionnement en eau, les installations sanitaires, la santé et l'éducation sont devenues tellement omniprésentes en Afrique du Sud qu'elles ne sont quasiment plus mentionnées par les médias. Toutefois, une nouvelle forme de militantisme se développe : il s’agit de l'audit social.  Le processus donne à la population le pouvoir de surveiller la mise en œuvre des programmes qui lui sont destinés et de s'assurer qu'ils ne sont pas corrompus, interrompus ou mal gérés et qu'ils remplissent réellement leurs fonctions. Ainsi, dans le township de Khayelitsha, au Cap, un audit social de toilettes mobiles mené par un trio d'organisations non gouvernementales (ONG) et de communautés touchées a révélé que le fournisseur de ces toilettes avait manqué à ses obligations.

Selon Jared Rossouw, directeur adjoint de l’ONG Ndifuna Ukwazi (Osez savoir), "il s'agit d'apprendre aux communautés à comprendre les données pour qu'elles sachent ce pour quoi elles ont payé, pour qu'elles puissent utiliser ces informations pour mener des audits et demander des comptes au gouvernement." Selon lui toujours, plusieurs départements du gouvernement national sont disposés à promouvoir cette forme de "surveillance citoyenne des prestations de services". En Inde, le gouvernement est davantage impliqué dans des audits sociaux. L'ONG Samarthan, est la première à avoir entrepris un audit social dans le pays, dans le but de concrétiser le National Rural Employment Guarantee Act (une loi adoptée en 2005 par le gouvernement accordant aux familles le droit à 100 jours de travail rémunéré par an). Les résultats sont néanmoins mitigés – de nombreux audits ne sont réalisés que "sur le papier", ne sont pas assez larges et leur qualité est variable – ; mais petit à petit, une culture de la transparence et de la redevabilité se crée.

Des audits similaires réalisés au Ghana et au Mexique ont dévoilé les faiblesses des programmes gouvernementaux visant à aider les populations défavorisées. Au Mexique, la campagne Subsidios al Campo, de l'organisation Fundar, a révélé comment le programme du gouvernement consistant à verser des subventions en espèces aux agriculteurs dans le besoin ne profitait finalement qu'aux plus riches d'entre eux. Cette campagne a conduit le gouvernement à mettre en place de nouvelles règles pour apporter plus de transparence au processus et limiter les risques de fraude. Au Ghana, l'organisation de sensibilisation Social Enterprise Development Foundation (SEND-Ghana) a découvert que le programme national de cantines scolaires n'était pas mis en œuvre correctement. Grâce à ses efforts, les communautés locales ont été impliquées dans le suivi du programme et cela a également entraîné l'amélioration des services de base comme l'approvisionnement en eau, les installations sanitaires, la santé et l'éducation. Un autre exemple remarquable d'audit social, en Afrique du Sud cette fois, est celui mené par la Treatment Action Campaign (TAC), fondée en 1998. Ce sont en partie ses analyses qui ont contraint le gouvernement à distribuer des antirétroviraux aux femmes enceintes pour leur éviter de transmettre le VIH à leur futur enfant.

La société civile peut jouer un rôle clé dans le suivi de l'utilisation des budgets, mais les gouvernements doivent faire leur part en ouvrant leurs livres de compte, en permettant aux citoyens de participer aux décisions budgétaires et en réalisant leurs propres audits sur la manière dont les fonds sont réellement dépensés. L'une des raisons pour lesquelles les gouvernements n'ont pas atteint les Objectifs du millénaire pour le développement est qu'ils n'ont pas utilisé les fonds publics correctement, explique Vivek Ramkumar, directeur de la sensibilisation internationale et de l'Open Budget Initiative du Partenariat budgétaire international – IPB. Selon lui, l'approbation et la culture de la confiance seront plus fortes lorsque les citoyens seront consultés. "À l'échelle locale, précise-t-il, les citoyens n'ont pas besoin d'avoir fait des études supérieures pour savoir si les ressources sont utilisées correctement dans leur région."

L'IPB publie un indice semestriel, classant 100 pays examinés en fonction du degré d'ouverture de leur processus budgétaire. D'après l'indice 2012, les pays dont le processus budgétaire est le plus ouvert sont la Nouvelle-Zélande, l'Afrique du Sud, le Royaume-Uni, la Suède, la Norvège et la France. En bas de la liste se trouvent les pays riches en ressources pétrolières : l'Arabie saoudite, la Guinée équatoriale, le Myanmar et le Qatar. M. Ramkumar accuse la "malédiction du pétrole" qui touche ces pays, tout comme d'autres qui sont dépendants de ressources extractives, qui n'ont pas besoin de recevoir d'impôts de la population et ont donc moins d'obligation de leur rendre des comptes. D'autres, cependant, comme l'Afghanistan (dépendant de l'aide humanitaire), le Mexique (qui dépend des hydrocarbures) et des pays du Moyen-Orient comme la Jordanie et d'Afrique subsaharienne comme l'Ouganda ou l'Afrique du Sud ont des résultats supérieurs par rapport à leurs pairs. Certaines économies émergentes du Sud comme le Brésil, l'Inde, l'Afrique du Sud et l'Indonésie font également mieux que leurs équivalents dans le Nord comme la Grèce, l'Espagne, l'Italie et le Portugal. Malgré les lents progrès, les résultats de l'enquête de 2012 "donnent une piètre image de la transparence des budgets, de la participation [à leur élaboration] et de la redevabilité [des gouvernements]. La majorité des pays étudiés ne donnent pas suffisamment d'informations concernant leur budget et laissent peu de place au public pour participer à son élaboration." Si le rythme des changements n'accélère pas, il faudra au moins une génération à la plupart des pays pour rendre leur budget transparent. "Cela pourrait se traduire par une génération d'occasions perdues et de ressources gaspillées."

IRIN (New York) – AllAfrica 19-08-2014