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La fontaine à boire ‘O claire

Mots clés : fontaine à boire, borne fontaine, marché, mobilier urbain, quartiers, Paris
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Dossier de
Martine LE BEC
  
March 2010
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Martine LE BEC
H2o – mars 2010

 

Cécile Planchais travaille avec Eau de Paris depuis plusieurs années pour rendre l’eau potable accessible au plus grand nombre et adapter le geste de boire l'eau aux usages actuels. À partir de la Borne des marchés qu’elle a conçue pour tous les emplacements des marchés de Paris, 200 posées à travers la capitale, elle a développé une fontaine à boire, ‘O claire, dont les premiers exemplaires devraient être posés au printemps.

 

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"J’ai tout fait pour que boire devienne un geste aussi simple et confiant que de boire un verre d’eau : sans changer la forme de cette borne conçue discrète et de taille humaine. L’eau à boire jaillit dès que l’on effleure une cellule située sur la base de l’anneau et s’arrête automatiquement. Pour que l’on comprenne que l’eau est précieuse et signaler ce point d’eau, j’ai proposé ce ‘O souple en aluminium moulé anodisé. La hauteur 112 centimètres et les proportions de ce ‘O que l’on prend dans ses mains sont étudiées et conditionnées pour mette en confiance le buveur, installé debout, dans une posture adaptée. Sa couleur grise légèrement scintillante et les matériaux : inox, aluminium anodisé et fonte sont les plus autonettoyants et sanitaires possible. Une deuxième sortie d’eau à l’arrière est destinée aux enfants, aux personnes à mobilité réduite ou pour remplir un petit récipient, se laver les mains."

La conception et la mise au point de ces équipements ont demandé plusieurs années d’étude pour prendre en considération les nouveaux usages et contraintes sociales de ce type de mobilier urbain qui remplit une des fonctions les plus complexes mais de plus en plus utile à l’heure du vélo, du raccourcissement de l’heure du repas, du tourisme, du sport et de tout ce qui nous amène à boire dans la rue.

 

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Le ‘O se penche pour distribuer délicatement l’eau claire, à ne pas gaspiller… en référence aux porteurs d’eau de Paris qui criaient "Oh ! Oh ! Qui veut de l’eau !"
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Sortie destinée à boire debout à la volée sans gaspillage ou pour remplir une petite bouteille ou un verre…
arrière
Sortie destinée aux enfants et aux personnes à mobilité réduite, pour remplir une  bouteille ou pour se laver les mains...

 

À l'origine de ‘O claire : la borne des marchés

Jusqu’à l’arrivée d’une norme européenne qui devait être mise en application en 2000, l’eau des places de marchés était puisée par un robinet monté sur un "col de cygne" directement branché au sol. Ce principe n’a plus été admis pour distribuer de l’eau potable.

À Paris il y avait environ 300 trappes de tailles et formes différentes où brancher ce col de cygne. En 2001 une norme européenne impose de nouvelles conditions sanitaires aux sites de marchés, obligeant à concevoir une borne de distribution d’eau potable, qui a été exclusivement destinée aux forains.

La Ville de Paris demande alors à la SAGEP (aujourd’hui Eau de Paris) de faire appel à un designer choisi à l'issue d'une consultation pour la conception de cet objet entièrement à inventer. Ce nouveau mobilier devait s’adapter aux quartiers historiques comme aux aménagements contemporains. Depuis 2005, toutes les places de marchés sont aujourd’hui équipées de leur borne à rayures.

"La meilleure manière de valoriser les places de marchés de Paris était pour moi de respecter la simplicité de ces lieux en retrait, qui portent en eux la vie et la nature à Paris. La forme ronde et fluide de cette borne suggère une belle botte végétale, qui semble se mirer dans sa grille ronde à motifs de reflets. Pour inscrire cet objet dans tous les patrimoines, j’ai conservé la fonte et l’aspect ornemental, caractéristiques du mobilier urbain parisien. Ses reliefs font vivre l’objet de jour, de nuit, pour témoigner de la vie du marché à Paris. Nous avons travaillé plusieurs années avec la SAGEP et la Ville de Paris pour que sa forme soit la plus adaptée possible à l’usage des commerçants et pour qu’elle valorise et signale les marchés : l’embase est une pièce technique autant qu’une signalétique qui indique que c’est un site de marché. La robe à rayures, le couvercle ou la grille sont autant de parures anti-vandalisme qui rappellent discrètement les bannes des marchés et la présence de l’eau. Sa robinetterie chromée, conçue spécifiquement, est branchée sur la borne uniquement pendant le marché, elle est réservée aux commerçants, qui l’utilisent avec des tuyaux ou qui remplissent leurs seaux avec.

"Le marché fini, l’espace dégagé, il ne reste que l’embase pour comprendre quel est cet objet énigmatique. La borne est placée dans l’alignement des arbres qui bordent la plupart de ces emplacements de marchés, elle est orientée selon l’usage et le flux. Une des particularités du design du mobilier urbain qui m’intéresse est de trouver la juste mesure d’un objet destiné à être posé en série, qui structure un espace sans l’envahir, de l’intégrer au point qu’il semble une fois posé depuis toujours là Pour cela je cherche en général un objet à caractère indémodable qui pour autant marque l’ambiance urbaine dont je m’imprègne pour chaque ville où on me demande de travailler en y vivant moi-même jusqu’à ce que j’en comprenne ce qui la constitue."

 

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La silhouette d’une botte végétale

Associer l’allure des marchés de Paris restés rustiques à l’élégance de la ville : la forme se rassemble autour de l’appareillage et donner l’impression que l’objet est juste posé. L’embase signalétique est une pièce d’adaptation posée sur les bouches existantes, qui a aussi été le moyen de donner toute son expression au corps de cette fontaine qui reprend par ailleurs les rayures des bannes des marchés de Paris.

 

Un objet qui signe l’eau de Paris et le marché

"Je pense que le mobilier urbain moulé est une des expressions parisiennes à prolonger. De même que le luminaire parisien est marqué par son socle qui marque sa présence au piéton. La fonte permet d’écrire et de dessiner une histoire : j’ai cherché à actualiser par des formes suggérant l’eau : rondes, voluptueuses, qui s’évasent en partie haute comme un réceptacle. Le dessus figure les ronds dans l’eau, ce relief évite de poser (des sacs…) sur le dessus. J’ai aussi tenu à dessiner une grille spéciale, elle est peinte de la même couleur, son motif évoque les reflets de l’eau.

"De loin, la petite borne semble se mirer dans son ombre portée au sol… La matière de cette fontaine : une fonte GS laquée, propre à résister aux chocs sur cet objet, un des plus exposés : voitures, camions, seaux, tuyaux d’arrosages, cageots, salissures…

"Le mobilier urbain est un objet posé en série qui structure et identifie l’espace sans l’encombrer. S’inscrire dans la variété des patrimoines, c’est faire cohabiter les expressions du mobilier urbain parisien, permettre de mieux repérer le service rendu…

Chaque mobilier urbain parisien devrait raconter "Paris", qui devrait ne pas autoriser les objets anonymes et sans saveur parisienne… Cela permettrait une cohabitation plus généreuse envers Paris, envers les autres expressions de mobiliers issues d’un patrimoine particulièrement riche. On pourrait espérer en retour un meilleur respect de son espace public à partager et à préserver."

 

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Le projet est réussi quand l’objet s’intègre d’évidence dans un lieu, dans le  temps, on ne le voit plus, il existe.

 

Cécile Planchais

Sculpteur et designer
Spécialisée en urbanisme et paysage dès les années 1990

Cécile Planchais intervient à titre indépendant ou en équipes pluridisciplinaires, dans le cadre de projets d'aménagement, d'urbanisme et de communication urbaine. Elle a été récompensée pour divers projets de design liés au développement durable :

  • par le comité du salon 1.618 Sustainable Luxury Fair, exposition au Palais de Tokyo, Paris, mai 2009.
  • projet "Villes humaines, développement durable" pour la Biennale Internationale de Saint-Étienne, 2008.
  • Label VIA, Paris Milan 2007, Observeur du design de 2000 à 2006...

Elle est l'auteur de nombreux mobiliers urbains édités et implantés en France et en Europe ; elle a a travaillé sur la revalorisation de villes balnéaires telles que La Baule et Fort-Mahon. En février 2009, la Ville de Paris l'a invitée à représenter le collège des designers au sein de la Commission du mobilier urbain.

Dans l'industrie, elle collabore notamment, depuis 1991, avec Sineu Graff et, depuis 1996, avec GHM...

Le site de Cécile Planchais