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Dessin de tracé de fleuve

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Pollutions diffuses et protection des captages

Mots clés : protection des captages, pollutions diffuses, aire d'alimentation, nitrates, phosphores, produits phytosanitaires, substances dangereuses, matières en suspension, ruissellement, infiltration, action préventive
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Index du dossier
1. Pollutions diffuses et protection des captages
2. Oise : captages de Baugy et de L'Hospice
3. Yonne : captage de la source des Gondards

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POLLUTIONS DIFFUSES ET PROTECTION DES CAPTAGES

 

Jusqu’à maintenant quand on parlait de protection des captages, on parlait de la protection contre les pollutions accidentelles. C'est dorénavant la question des pollutions diffuses qui nous préoccupe et nous mobilise.

Michèle Rousseau
directrice générale de l'Agence de l'eau Seine-Normandie

Martine LE BEC

avec le concours de l'Agence de l'eau Seine-Normandie
photo Aire de captage d'Épernay dans la Marne – AESN
H2o – septembre 2013


À la question des sujets environnementaux les plus préoccupants, plus d’un Français sur deux cite en premier lieu la qualité de l’eau potable (52 % des citations). Elle devance d’autres sujets plus globaux et plus difficilement perceptibles tel que la qualité de l’air (43 % des citations), le réchauffement climatique (38 % des citations), la disparation des espèces animales et végétales (33 %). [Baromètre de suivi de l’opinion : Préserver les ressources en eau et les milieux aquatiques]


De la nature au robinet : le fonctionnement d’un captage d’eau potable

Un captage prélève de l’eau dans une nappe phréatique ou un cours d’eau. Il alimente après un ou plusieurs traitements le robinet de chacun d’entre nous. Sur le bassin de la Seine et des cours d’eau côtiers normands, 60 % des volumes d’eau proviennent de l’eau souterraine et 40 % des rivières. Protéger un captage, c’est protéger une zone géographique qui correspond à la surface réceptionnant l’eau, qui alimentera, un jour, le captage (eau de ruissellement, eau de pluie, infiltration…) ; c’est ce que l’on nomme l’aire d’alimentation du captage – AAC. Une AAC peut varier de 300 hectares à plus de 10 000 hectares.

Un "bon captage" assure une eau potable de qualité – L’eau est une denrée alimentaire indispensable à la vie. Sa qualité est donc indissociable de la santé et sans une attention particulière à cette qualité de l’eau, la santé peut être fortement affectée. L’eau distribuée au robinet est globalement de bonne qualité partout en France. Pour avoir une eau de bonne qualité au robinet, le plus sûr et le plus durable est de travailler sur l’eau brute, c’est-à-dire l’eau captée dans le milieu naturel.

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L'eau est une denrée alimentaire distribuée publiquement : c'est même la denrée la plus surveillée – L’Europe définit des seuils à ne pas dépasser pour qu’une eau soit potable. Ces seuils sont fixés pour un grand nombre d’éléments, et notamment pour les nitrates (50 mg/l) et pour les pesticides (0,1µg/l pour chaque molécule et 0,5 µg/l pour l’ensemble des molécules). Au-delà de ces seuils, il faut traiter l’eau, la mélanger ou chercher une autre source d’eau. De plus, au-delà d’un certain seuil, il est même interdit de traiter l’eau pour la rendre potable : c'est le seuil de potabilisation, Ce seuil est fixé à 100mg/l pour les nitrates et 2 µg/l pour les pesticides.


Les captages, menacés par les pollutions diffuses

Les pollutions diffuses proviennent de multiples sources réparties sur le territoire : elles ruissellent ou s'infiltrent sur de grandes surfaces pour rejoindre les ressources en eau. À la différence de pollutions ponctuelles, il n'est pas possible d'installer des unités de traitement des rejets. De quelles pollutions s’agit-il ? Ce sont d’abord les nitrates et phosphores. Ces éléments proviennent soit de la fertilisation minérale agricole, soit des rejets liés aux excréments, humains ou animales. Les pollutions peuvent être diffuses (épandages d’intrants notamment) ou ponctuelles (assainissement ou rejet d’élevage non maîtrisé). S’y ajoutent les produits phytosanitaires, utilisés contre les "mauvaises herbes", les insectes ou pour limiter l’impact des maladies des plantes. Ces produits sont utilisés par les agriculteurs, et par les collectivités (entretien des parcs, des trottoirs, etc.), les zones de loisirs (entretien des allées, pelouses), la SNCF, les particuliers pour leur jardin. Viennent encore évidemment les substances dangereuses : les produits industriels, artisanaux, agricoles ou des particuliers ayant un impact sur l’environnement ou la santé. On peut citer les hydrocarbures, les peintures, les détergents, les médicaments, les hormones, certains métaux, etc. Viennent enfin les matières en suspension : des éléments de terre et matières organiques qui sont arrachés au sol par le ruissellement et qui arrivent ensuite dans le milieu naturel. Ce sol, en partant, entraîne de nombreux éléments indésirables. Ce départ de sol est favorisé par la pente, les sols nus quand il pleut beaucoup, l’absence de haies ou de reliefs pour freiner le flux d’eau chargé d’éléments, la présence d’argile dans le sol, le climat, etc.

La pollution diffuse rejoint les rivières ou les nappes d’eau souterraines par ruissellement ou infiltration – Elle est sans doute la plus difficile à cerner en comparaison des pollutions ponctuelles. Alors que l’impact est "invisible" (surtout quand la dégradation est souterraine) le problème est souvent nié et repoussé. Souvent aussi des controverses scientifiques et techniques persistent quant aux solutions, alors même enfin que dans l’hypothèse de traitement, le temps de réponse du milieu reste long, parfois égal à plusieurs dizaines d’années.

 201309_captage_pollutions_vign.jpg  201309_captage_pollutions_1.gif  Nitrates et phosphores
 201309_captage_pollutions_2.gif  Produits phytosanitaires
 201309_captage_pollutions_3.gif  Substances dangereuses
 201309_captage_pollutions_4.gif  Matières en suspension


Les pollutions diffuses sont plus difficiles à prévenir ; leurs sources sont nombreuses
– Les acteurs concernés sont variés, indépendants des pouvoirs publics et soumis à d’autres contraintes ; leur mobilisation demande du temps. Le résultat demande d'aller au-delà de "bonnes pratiques" et les solutions techniques, si elles sont connues, demandent une cohérence à l'échelle de territoire et de filières de production. Elles sont dans tous les cas plus difficiles à mettre en œuvre qu’une solution "au bout du tuyau".

Tous les arguments plaident pour une action préventive. Cette dernière est toujours moins coûteuse qu’une action curative. Les systèmes de traitement peuvent aussi avoir des défaillances laissant passer des pollutions ; c’est le cas de captages traités avec une eau qui dépasse ponctuellement les normes, par saturation des capacités de traitement de l’usine. Certains produits sont encore mal retenus par les installations de traitement ; c’est le cas de la molécule AMPA qui est la molécule issue d’un désherbant couramment utilisé, le Glyphosate (Round-up). Les chercheurs s’interrogent aussi sur des "effets cocktails" entre les phytosanitaires notamment, c’est-à-dire des réactions entre les molécules, dont les effets sont mal connus. En tout état de cause, le curatif n’est pas une solution permettant de protéger les milieux naturels, impactés par les pollutions.


L'état des captages dans le bassin de Seine-Normandie – Sur les 6 000 captages d’eau potable du bassin, 1 700 ont une qualité de l’eau considérée comme dégradée ou fragile. La mauvaise qualité de l’eau brute est répartie sur tout le bassin, avec néanmoins une majorité sur les grandes plaines. L’évolution de la qualité de l’eau sur dix ans pour les nitrates ne montre pas d’amélioration ou d’inversion réelle des tendances.

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Protéger 500 captages d'ici 2015 – Sur les 1 700 captages dégradés ou fragiles du bassin Seine-Normandie, l’objectif est d’en protéger 500 d’ici 2015, en l'occurrence les captages les plus menacés qu'il importe de conserver pour l'avenir. L’action de l’agence s’inscrit dans un contexte plus large de politiques publiques, agricoles ou en faveur de l’environnement. Les textes européens comme la directive nitrates de 1991 ou la directive sur l’utilisation des pesticides compatible avec le développement durable (2009) encadrent l’usage et les bonnes pratiques pour les nitrates et les pesticides. En France, ce dispositif est complété par les lois Grenelle qui ont instauré un objectif de réduction de 50 % de l’usage des pesticides d’ici 2018 (traduit par le plan Écophyto) et un objectif de développement de l’agriculture biologique jusqu’à 20 % de la surface agricole en 2020. Le ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt a également lancé en décembre 2012 un "projet agro-écologique pour la France" visant à agir sur l’ensemble de l’agriculture. Ces normes sont aussi celles définissant le bon état des eaux souterraines fixées par la directive cadre européenne pour l’eau. D'autres outils peuvent venir compléter le dispositif de prévention des pollutions, parmi lesquels : la conditionnalité des aides publiques, l'incitation financière (fiscalité notamment), le développement des connaissances, les expérimentations et la formation. Les filières économiques ont déterminé des critères certifiés de qualité compatibles avec la protection de l'eau ; s'y ajoute enfin l'action des consommateurs. La prévention contre les pollutions passe par une combinaison pertinente de ces outils. 

Le levier financier de l’agence pour protéger l’eau – 35 millions d’euros par an sur le bassin Seine-Normandie, est cependant sans comparaison avec les aides de la PAC – 1 600 millions d’euros sur le bassin. Pour être efficace, l’agence a donc choisi d’apporter des aides localisées et priorisées. Sur le 10ème programme d’intervention 2013-2018, les aides financières seront quasiment doublées pour atteindre 300 millions d’euros ; le taux d’aide pour la lutte contre les pollutions diffuses et la protection des captages a été majoré à 80 %. Les interventions ciblent les collectivités locales au sens large et les activités économiques qui ont lieu sur l’aire d’alimentation du captage. Les collectivités locales restent les acteurs essentiels de la démarche. Elles sont responsables de l'eau qu'elles distribuent et donc de leurs ressources. Elles doivent protéger cette eau potable et en garantir la qualité. Et de fait, c'est à elles que revient l'initiative d'une démarche de protection.

L’action de l’agence se concentre sur l’accompagnement. Les aides qu’elle accorde concernent en premier lieu la connaissance : l’acquisition de connaissances, le conseil et la formation, les études et les diagnostics. En second lieu, l’agence soutient les investissements comme l’acquisition de matériel alternatif à l’usage des pesticides en zone agricole et zone non agricole ; les investissements pour lutter contre l’érosion ; l’investissement dans les bâtiments d’élevage pour aider à la gestion des affluents, etc. Enfin, l’agence de l’eau apporte une aide "aux travaux" prescrits dans les DUP des captages, à l’acquisition foncière et aux changements de pratique.

Études de cas : dans l'Oise, avec les captages de Baugy et de L'Hospice – Réconcilier agriculture et protection des captages ; dans l'Yonne, avec le captage de la source des Gondards – L'enherbage pour sauver la qualité de l'eau. .

 

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ResSources
Eau & agriculture : quels défis pour aujourd’hui et
demain ?

GREP, Revue Pour, numéro 213, mars 2012.
Eau potable : prévenir plutôt que traiter
Actes du colloque du 9 février 2012, organisé par l’agence de l’eau Seine-Normandie, Eau de Paris et l’Association des Maires de France
Le préventif coûte-t-il plus cher que le curatif ?
Argumentaire économique en faveur de la protection des captages, AESN, juillet 2011.
Une analyse a été menée sur 21 cas d'étude répartis sur le bassin Seine-Normandie. Cette étude confirme que pour les services d'eau, l'action préventive est toujours moins chère que l'action curative. Pour l'ensemble des financeurs, dont l'agence de l'eau, le résultat est plus nuancé et dépend de la taille de l'aire d'alimentation de captage et du volume distribué. Mais même dans les cas où le préventif coûte plus cher pour l'ensemble des acteurs, il reste la solution la plus durable et bénéfique à l'environnement. Autre résultat intéressant : les scénarios préventifs les plus ambitieux ne sont pas toujours les plus chers ! Pour continuer les analyses et aider à la décision, un outil simple a été réalisé pour faire la comparaison entre préventif et curatif sur un captage donné. Enfin, une des conclusions importantes de cette étude affirme qu'une politique préventive est d'autant plus intéressante qu'elle est engagée tôt.