H2o Magazine


Arctique
De fortes concentrations en substances chimiques retrouvées dans les glaces

Dossier de
la rédaction de H2o
  
10/06/2020

 Des composés chimiques utilisés en remplacement des chlorofluorocarbures (CFC), des substances appauvrissant la couche d’ozone, se retrouvent dans les glaces de régions isolées du Nunavut, selon une nouvelle étude. Ces substances se révèlent aujourd’hui tout aussi problématiques pour l'environnement, selon les scientifiques qui ont publié l’étude. Le produit de dégradation issu de ces substances est peut-être aussi dangereux que les produits chimiques originels qu’ils sont censés remplacer, affirme la directrice du laboratoire canadien Ice Core de la Faculté des sciences de l’Université de l’Alberta, la docteure Alison Criscitiello.

À la fin des années 1980, le Canada a été signataire du protocole de Montréal, un accord international qui visait à protéger la couche d’ozone de l’atmosphère en éliminant graduellement l’utilisation de substances appauvrissant la couche d’ozone (SACO). Mais pour éliminer ces substances que l’on retrouve à la fois dans les procédés industriels et les produits de tous les jours destinés au grand public, il a fallu les remplacer par d’autres composants chimiques, dont on ne connaissait pas les effets à l’époque. Il y a trois ans, la Dre Criscitiello est allée récupérer des échantillons de glace pris dans deux endroits distincts du Nunavut : la calotte glaciaire Devon et le champ de glace du mont Oxford. Elle explique que les dépôts présents dans l’atmosphère ont atterri dans l'Arctique canadien, transportés par la neige. Après avoir étudié cette glace, son équipe, composée de quatre scientifiques, conclut que le dépôt de ces substances chimiques dites persistantes s'accroît sur la période allant de 1986 à 2014. Une période qui correspond, selon Heidi Pickard, doctorante à l’Université Harvard et participante à cette étude, à la période à laquelle les produits censés remplacer les CFC ont été utilisés.

Cette découverte est survenue de manière accidentelle puisque le sujet de l’étude ne concernait pas ces composants chimiques en particulier. C’est en étudiant des échantillons restants que les scientifiques ont fait ce constat. L’un de nos espoirs avec cette étude est qu’en montrant qu’il y a une forte concentration de ces composants chimiques dans l’environnement, notamment dans les zones nordiques isolées, éloignés des sources de rejet de ces produits, les scientifiques vont s’intéresser aux niveaux de toxicité, explique Heidi Pickard. Même si ces résultats sont préoccupants, il reste de nombreuses études à conduire pour comprendre le niveau de toxicité de ces composants et leurs possibles effets sur les humains et leur environnement. Ce travail n’est que la partie immergée de l’iceberg. De nouveaux produits chimiques sont créés chaque jour par les industriels pour se substituer à ceux existants et polluants. En même temps que leur régulation reste difficile, leur évaluation nécessitant de nombreuses données sur le moyen-long terme.

Laureen Laboret – Radio-Canada