Magazine H2o | Réconcilier l’inconciliable ? | Enjeux-Politiques de l'eau

Dessin de tracé de fleuve

Accueil > Urgences > Enjeux > Réconcilier l’inconciliable ?
logo lien vers www.lemeeb.net


Compétitivité économique et développement durable
Réconcilier l’inconciliable ?

Mots clés : compétitivité économique, développement durable, entreprises, leviers, modèle actuel de développement, règles du jeu
Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
200312_wwf_itl.jpgThanh NGHIEM
membre bénévole de la direction générale du WWF
Thanh Nghiem a auparavant été Partner du cabinet de conseil McKinsey et membre de la direction générale de Suez-Ondeo

PROSPECTIVE STRATÉGIQUE – décembre 2003
H2o – décembre 2003

 

Compétitivité économique et développement durable… De quoi parle-t-on ?… Qu’est-ce que le développement durable : une nouvelle mode faisant écho au krach boursier et à l’explosion de la bulle Internet ou une nécessaire évolution en profondeur de notre société ? Comment faire la différence entre un engagement réel des acteurs et un habillage marketing opportuniste ?… La compétitivité économique, jusqu’où et pour quoi faire ? Ou s’arrête le bien-être du consommateur, ou commence le matraquage publicitaire ? L’entreprise peut-elle servir équitablement l’actionnaire, le client, les salariés et les fournisseurs ? Dans notre société de consommation, quelle est la différence entre désir, besoin et nécessité ?

La question n’est pas de choisir l’un ou l’autre. Être compétitif n’est pas négatif en soi, pas plus que ne l’est la notion de performance. Le problème est que l’on confond le pourquoi (qu’est-ce que le développement durable) et le comment (la compétitivité est un moyen parmi d’autres).

Le développement aujourd’hui est assimilé à la croissance des "richesses" : PIB, valeur de bourse, rentabilité pour l’actionnaire. Cette vision du développement n’est pas durable, dans un contexte d’épuisement de la planète et de fractures sociales aggravées.

… À l’échelle des nations, que penser de pays en quête d’une croissance économique toujours plus forte, réfutant les accords internationaux tels que le protocole de Kyoto, dont la communauté scientifique reconnaît aujourd’hui que, même s’il était respecté, il ne suffirait pas à sauver les fragiles équilibres planétaires ? C’est comme si votre voisin décidait d’inonder ou de détruire les cinq appartements voisins de façon irréversible pour son seul bien-être.

… À l’échelle industrielle, que penser d’entreprises dont la compétitivité s’appuie – même partiellement – sur des distorsions de marchés, une surexploitation de fournisseurs et de salariés, une information partielle des consommateurs ?

De manière évidente, tout ceci n’est pas durable. Plus de 50 % des Français se disent prêts à acheter des produits "éthiques"… et pourtant nous n’agissons pas au quotidien ou si peu nous-mêmes. Au moment de passer à la caisse, nous cherchons tous à avoir plus en dépensant moins ! Dans notre société, ce qui est gratuit est souvent traité comme sans valeur. Que vaut le travail de bénévoles nettoyant des plages mazoutées ? Que vaut une balade dans une forêt préservée, au détriment de l’exploitation forestière intensive ? Négliger ces biens collectifs, cela non plus n‘est pas durable.

La question est : comment passer du concept et de la dénonciation, qui donne bonne conscience, à l’action ?

Les limites du modèle de développement actuel

Le modèle de développement actuel touche ses limites : d’un côté, la croissance économique a été sans pareille depuis 50 ans, de l’autre, la planète se meurt à une vitesse accélérée tandis que les inégalités se creusent. Ce qui est nouveau, c’est l’ampleur de la catastrophe qui se prépare et l’incroyablement faible conscience qu'a notre société du phénomène qui est en train de se passer. Quelques exemples concrets :

  • L’empreinte écologique, mesure de la pression qu’exerce l’homme sur son environnement, outil développé par des chercheurs américains dans les années 1990 et largement diffusé par le WWF, nous enseigne que nous avons allègrement franchi le seuil de capacité de la Terre à se régénérer depuis les années 1970. Si tout le monde consommait comme un Européen, il faudrait 3 planètes Terre pour faire face à nos besoins et absorber nos déchets.
  • Cette ponction démesurée sur la planète commence à faire sentir ses effets : tout le monde a entendu parler de l’effet de serre, responsable de la hausse de 1°C de la température du globe sur le dernier demi-siècle. Les experts anticipent que, si rien n’est fait, la température pourrait augmenter de 4 à 5°C d’ici 2050 – la plus forte hausse depuis la dernière ère glaciaire il y a 100 000 ans, avec des conséquences déjà visibles (fonte de 40 % de la banquise et hausse du niveau de la mer, disparition programmée de territoires tels que la Camargue, une partie du Bangladesh, etc.). Les 14 années les plus chaudes enregistrées depuis 1866, origine des suivis météo, ont été postérieures à 1980. Canicules, tempêtes et inondations se multiplient. Selon les réassureurs, les pertes liées aux catastrophes naturelles ont été multipliées par 8 en trente ans et, en 2065, le montant des remboursements dépasserait le PIB mondial (mais le modèle aurait fait faillite avant).
  • Nous avons perdu en 30 ans un tiers des ressources mondiales de poisson et 15 % de nos forêts. La majorité des récifs coralliens est condamnée. Chaque minute, l’équivalent d’un terrain de football de surface de forêts disparaît de la planète. La déforestation accélère le phénomène de désertification et amplifie les inondations, et on observe déjà l’apparition de "réfugiés climatiques".
  • L’eau douce se raréfie et 1/3 de la population mondiale vit dans des conditions insuffisantes en eau et en assainissement. Le Fleuve Jaune est à sec chaque année, le Colorado et le Nil n’atteignent plus leur embouchure.
  • Une simulation de ce qui se passerait si les 1,3 milliards de Chinois actuels vivaient comme nous montre l’impossibilité de notre modèle : il faudrait plus que toute la production annuelle de pétrole pour alimenter les véhicules en Chine ; toute la production mondiale de poissons et de papier y serait consommé et il faudrait l’équivalent de toute la production céréalière des Etats-Unis pour engraisser les bovins.

Parallèlement, en matière de progrès économiques…

Le PIB mondial a été multiplié par 7 entre 1950 et 2000. Le développement ne fait cependant pas le bonheur : il y a proportionnellement plus de pauvres aujourd’hui que dans les années 1960. Une étude sur la pauvreté montre qu’il y a autant de gens qui se sentent pauvres parmi les 10 % les plus riches de la population que parmi les 10 % les plus pauvres (environ 25 %). Alors que le PIB a été multiplié par 3 en 30 ans aux Etats-Unis, l’indice de bien-être social est tombé de 45 à 25.
La richesse se concentre puisque 20 % des habitants les plus riches de la planète consomment 80 % de ses richesses. Il faudrait, selon l’ONU, 50 milliards de dollars de plus par an pour faire face aux grands maux de l’humanité (eau potable, nourriture, logement, santé – hors Sida). Or nous en dépensons 400 milliards par an en publicité…

En 2003, les Français ont peur de l’avenir et cherchent une autre forme d’équilibre dans leur vie. Une analyse montre que 40 % des Français ne se sentent plus en mesure de planifier au-delà du court terme. Ils manquent de repères face à la société du "zappable" et du jetable (un téléphone portable ou un PC deviennent obsolètes en quelques mois) ; le 11 septembre et le terrorisme ont renforcé leur crainte de l’avenir. Ils se désengagent de l’entreprise pour s’investir dans la sphère privée, leur première préoccupation est d’être autonomes et de vivre avec famille et amis... Ils se "consolent" avec des instantanés (achat plaisir, "je veux tout tout de suite"), et cherchent l’épanouissement et le sens dans la sphère privée.

La fin du monde ? Non, la fin d’un modèle de développement !

Il faut revoir le cadre dans lequel la compétition s’organise (L. Brown parle d’une révolution copernicienne) : les objectifs de société, les règles du jeu, les mesures de performance devraient obliger les entreprises à chercher un développement harmonieux, respectueux des grands équilibres de la planète et de nos sociétés.

De la nécessité urgente de réconcilier l'économie et l'écologie

L’analyse de L. Brown, président du World Watch Institute et du Earth Policy Institute, est sans appel : un autre développement, écologique et durable, est possible. Pour cela il faut "placer l’économie dans l’écologie", et ne jamais oublier les contraintes du système planétaire dans lequel nous vivons : si notre environnement meurt, nous mourrons tous. C'est une évidence et pourtant…

Les civilisations disparues ont négligé leur environnement. L’exemple que donne L. Brown des Sumériens et des Mayas est intéressant : en surexploitant leur ressource de base (irrigation pour les premiers, bois pour les seconds), ces peuples ont détruit ce qui a fait leur expansion et se sont condamnés eux-mêmes à disparaître. Une question intrigante est de savoir si, comme nous aujourd’hui, ils savaient ce qui se passait et si leur manque de réactivité a été causé par un manque de connaissance, ou par une incapacité du politique à anticiper et changer les choses…

Comme nous l’avons vu avec l‘exemple de la Chine, la question qui se pose est : quelle règle du jeu fixer au niveau mondial ? Qui peut la fixer et la faire respecter ? Qui doit se "serrer la ceinture", nous ou les Chinois et les PVD ? Que penser de la compétition acharnée des entreprises occidentales pour rafler le fameux marché chinois ? Comment s’assurer du respect de normes et d’engagements durables au niveau mondial ?

Sans chercher à être exhaustif et encore moins moralisateur, voici quelques pistes à explorer.


1. Redéfinir le développement durable et le mesurer concrètement

Il faut en premier lieu revoir nos habitudes et nos indicateurs : aller à l’hôpital ou être pris dans un embouteillage augmente le PIB national. Nous vivons dans une "société de gâchis", avec de faibles rendements dans l’absolu. Saviez vous que :

50 % de notre empreinte écologique est liée à l’énergie et aux dégagements de gaz à effet de serre, essentiellement à cause des transports de marchandises et des nombreux "petits" déplacements individuels (un trajet en voiture sur deux fait moins de 3 km, alors que leur consommation et leur pollution par kilomètre sont 3 à 4 fois supérieures à celles qu'induisent un trajet moyen).
40 % de notre empreinte écologique provient de nos choix alimentaires, et dans ces 40 %, près de la moitié résulte des emballages, des process industriels et des transports. Nos poubelles contiennent 50 % d’emballages et de déchets recyclables, 25 % de déchets compostables. Tout est incinéré, ce qui requiert beaucoup d’énergie et émet des gaz à effet de serre et des dioxines... Saviez-vous qu’on peut fabriquer une fourrure polaire avec 25 bouteilles vides d’eau minérale ?
Le repas moyen en Angleterre parcourt ainsi 3 000 km, et un "jean" 65 000 km. Que penser de la crevette scandinave envoyée au Maroc pour être décortiquée puis renvoyée en Scandinavie pour être conditionnée et réexpédiée dans toute l’Europe ?

A côté de cet effroyable gâchis, les indicateurs actuels tendent à "noyer le poisson" : les analyses de cycle de vie, bilan carbone, les indicateurs NRE ou GRI… tout cela a son utilité mais à la fin, on ne sait plus où l’on en est. Il importe de pouvoir, de manière simple, faire un bilan de notre activité et identifier les leviers que nous contrôlons (alimentation, transports, infrastructures, etc.).

L’empreinte écologique permet de mesurer de manière synthétique notre impact sur l’environnement, comme le montre l’exemple ci-dessous. Cet outil est en cours de développement en France avec des grandes écoles et des chercheurs réputés, l’objectif étant d’en faire un langage commun pour orienter les choix des acteurs (consommateurs, pouvoirs publics, entreprises, collectivités territoriales).


2. Les solutions existent ! Exemplarité et grands leviers

Par nos actions au quotidien en tant que consommateurs, décideur ou collaborateur au sein d’une entreprise, nous pouvons orienter le marché et élire les entreprises qui contribuent à construire un futur durable.

Un pilote exemplaire se situe à Beddington, dans la banlieue de Londres ("Bedzed"). Ce pilote constitué de 82 unités d’habitation permet de réduire de 50 % l’empreinte, sans effort (- 90 % en énergie de chauffage et  –  60 % en eau). Le concept qui sous-tend l’ensemble est celui de la boucle locale qui consiste à tirer parti au maximum des ressources locales pour limiter les transports inutiles, et recycler / récupérer autant que possible avant d’aller chercher du neuf.

En premier lieu une conception efficiente des habitations (conception spatiale, masse thermique et isolation des bâtiments, association du photovoltaïque et de la biomasse, récupération des énergies liées aux activités humaines, co-génération). La construction a été conçue de manière à récupérer et recycler un maximum de matériaux locaux (sites abandonnés, rails de chemin de fer…) : les matériaux proviennent à 90 % de moins de 30 km à la ronde, contre 150 km en moyenne.
Les approvisionnements sont groupés, ce qui permet de fournir des produits frais, produits localement à des prix compétitifs : pas de traitement industriel de masse ; emballages minimes et recyclés. Les habitants limitent leurs déplacements et bénéficient d’une alimentation saine. Cette rationalisation des transports permet de proposer un système de voitures partagées aux habitants ("Zedmobiles") fonctionnant à 100 % grâce à l’électricité produite sur le site. Au total, le budget de fonctionnement des ménages est réduit de 15 %, le volume des déchets de 75 %.
Ce fonctionnement en boucle locale permet de générer de manière durable des activités adaptées aux conditions du site et de créer des emplois locaux, ce qui permet de faire travailler des mains d’œuvre moins qualifiées. La réintroduction d’activités et de produits artisanaux réduisant l’empreinte du système a aussi permis de rétablir un lien social. La lavande a été réintroduite en association avec la chaîne Sainsbury, de même que des textiles durables et une boucle papier fermée, la production de charbon en coopérative a fait de la région le 1er producteur national.

Est-ce un retour à l’autarcie communautaire ? Non, ce programme est tout à fait ouvert, les habitants ne sont pas obligés de le suivre… Mais l’expérience prouve que les habitants, au départ nullement écologistes, s’intéressent à ces solutions alternatives et adhèrent parce qu’ils y trouvent leur compte. Un centre d’exposition permet de présenter les produits et modes de vie durables ; il fait l’objet de nombreuses visites du monde entier et un grand nombre d’entreprises y envoient leurs cadres pour y être formés. Certaines ont un programme de R&D sur site : Kingfisher, Body Shop, Lafarge, Ben & Jerry’s, BP… qui sont connues pour leur innovation et leur engagement dans le développement durable.

Cela signifie-t-il qu’il faut-il arrêter les importations ? Non, la réponse est que les termes actuels de l’échange sont déséquilibrés et que le commerce mondial, en l’état, n’est pas durable. Ainsi, un "jean" de marque "contient" près de 65 000 km de déplacement au total, avec les rivets provenant d’un PVD, la teinture et le tissage d’un autre PVD, etc. Personne ne paye le CO² émis dans ces transports autour de la planète (en tous cas, pas encore !) ; la maximisation des profits conduit à rechercher la main d’œuvre la moins chère, où qu’elle se trouve, et à chercher le volume pour amortir les investissements. Si ces coûts externalisés étaient pris en compte, les échanges changeraient considérablement : à 50 euros la tonne de CO² (comme le suggère l’Union européenne), le kilo de fraises en hiver passerait à 40 euros au lieu de 4 euros !

Le pilote de BedZed, conçu en 1998 et "livré" en 2000, a été primé par le gouvernement anglais et inspirera le prochain programme de logement (1 million de logements sur 10 ans). Les entreprises qui se sont associées au projet ont rentabilisé très rapidement leurs efforts de développement, et bénéficient aujourd’hui d’une avance technologique et d’une expérience qui leur permet d’ouvrir de nouveaux marchés : après Johannesburg et la Chine, le Portugal entre dans le programme. L’ensemble des régions anglaises s’est engagé dans un calcul de leur empreinte écologique et la construction de scénarios macroéconomiques. Un réseau mondial est en cours de constitution, pour mettre en place des sites pionniers vivant selon les principes de durabilité démontrés à Bedzed.


3. Changer les règles du jeu

Dans une vision plus équilibrée de l’économie et de l’écologie, la compétitivité économique et le développement durable vont de pair (concept d’éco-économie de L. Brown).

Dans une économie durable, les entreprises sont jugées à armes égales par rapport à des objectifs de compétitivité qui induisent de manière simple et mesurable l’efficacité environnementale et sociétale. Dans le cas de l’environnement, on pourrait mesurer l’empreinte écologique des produits, en traçant l’origine des composants depuis la fabrication jusqu’au recyclage, et en intégrant l’usage.

On pourrait un jour choisir les produits par rapport à leur empreinte et aux kilomètres induits…Il s’agit d’une utopie aujourd’hui, mais les travaux en cours (experts et chercheurs renommés, entreprises et collectivités pilotes) permettent d’espérer la réalisation de cet objectif à moyen terme.

Une autre clé de voûte du dispositif est la vérification par des organismes neutres et indépendants du respect des règles du jeu du développement durable : organismes de certification ou ONG réputées peuvent jouer ce rôle. Deux exemples :

Les partenariats du WWF (Caisses d'Epargne…) permettent de développer des meilleures pratiques en matière d’environnement, mais obligent aussi à une totale transparence de la part des entreprises, avec un observateur neutre, l’ONG, qui entre à l’intérieur de la maison... En effet, la règle "d’accord pour ne pas être toujours d’accord" signifie que les deux parties dialoguent en toute transparence et s’inscrivent dans une démarche de progrès. Le but est de se mettre d’accord sur des objectifs d’amélioration et d’en rendre compte, dans un calendrier raisonnable. L’indépendance, la rigueur et la crédibilité de l’ONG sont ici particulièrement importants.
Un autre exemple est celui de la certification. L’objectif est d’élever les standards de toute l’industrie. Lorsqu’un label est reconnu et recherché, il crée un marché et structure la compétition au sein du secteur. Dans ce cas, développement durable et compétitivité vont de pair : la demande est "éduquée" et "tire" le secteur vers le haut. On observe au démarrage l’impulsion de quelques pionniers, et cela serait une responsabilité des leaders sectoriels de s’engager dans une telle démarche (exemple de Ikea pour le bois, de Unilever pour la pêche).

On pourrait rêver qu’un jour tous les secteurs aient leur charte d’engagement, avec leurs objectifs de réduction du CO² et une information sur le nombre de kilomètres parcourus jusqu’au consommateur final…

Conclusion : quelle compétitivité pour les entreprises ?

Les entreprises qui ont compris cela avant les autres, gagnent un avantage compétitif de plusieurs natures, qui se traduit par un développement durable. Les facteurs de différenciation sont nombreux :

Innovation : inventer des services et des produits plus économes en ressources naturelles, recycler et récupérer sur tout le cycle de vie, ce qui implique de créer des services d’accompagnement (collecte et éducation des consommateurs : exemple bien connu du tri des déchets).
Marque et image : en développant ces nouvelles offres de produits et services et en s’appuyant le cas échéant sur des ONG ou des acteurs publics pour valider l’argumentaire, les entreprises pionnières créent un marché et prennent une avance en termes d’image, qui engendre une croissance durable si elle est bien communiquée. Les ONG peuvent jouer un rôle déterminant, ainsi que certains organismes tels que l’ADEME ou l’Union européenne, pour aider les collectivités et les consommateurs à s’engager dans ces nouveaux modes de vie.
Capital humain : le capital humain de l’entreprise est une valeur intangible essentielle. Les jeunes élites en 2003 souhaitent plus de sens, de qualité de vie et d’autonomie, et plébiscitent les entreprises perçues comme "éthiques" et engagées dans une véritable démarche de développement durable. A contrario, certaines entreprises perçues comme "toxiques" perdent des cadres à haut potentiel…
Gouvernance : la société civile entre de plus en plus nettement dans la vie des entreprises : exemple du CNDD, Conseil national du développement durable rattaché au premier ministre, qui associe trois collèges (entreprises, ONG et acteurs publics) pour développer les orientations nationales ; croissance des fonds "éthiques" et généralisation de la notation sociétale. Un exemple à la fois ancien et moderne est celui des Caisses d'Épargne, avec leurs 3 millions de sociétaires, qui représentent une forme de capitalisme engagé avec le financement de l’économie locale et sociale.

On constate que les pionniers, au départ des PME telles que Patagonia, Body Shop, Ben & Jerry’s, sont aujourd’hui suivies par de grandes entreprises. Le défi pour les multinationales est de parvenir à relayer les orientations sur le terrain, et de suivre la démarche sans créer une usine à gaz ni alourdir démesurément les coûts. Former les salariés, le marché, les clients, les fournisseurs… et les actionnaires constitue une tâche longue et difficile, mais nécessaire.

La question n’est plus de savoir si le développement durable peut être une réalité et si les entreprises qui s’y engagent gagneront en compétitivité. La question est : avons-nous encore le temps ? Pouvons nous continuer à nous voiler la face et attendre sans changer nos habitudes, comme des moutons de Panurge ? Quelle planète allons nous laisser à nos enfants ? Dans 50 ans, peut-être même moins, il sera trop tard, la planète aura atteint des seuils de non réversibilité, que l’on vit déjà (exemple de la canicule et des tempêtes, des pollutions urbaines).

Nous devons, en tant que consommateurs et citoyens responsables, nous engager dans une démarche de progrès et inciter les pouvoirs publics à accélérer le mouvement, de manière à aider les entreprises pionnières à réussir la transformation qui s’impose de toute évidence. .