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WWF-6
6ème Forum Mondial de l’Eau : Le temps des solutions

Mots clés : défi mondial, droit à l'eau, politiques de régulation, financement de l'eau
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6ème Forum Mondial de l’Eau
LE TEMPS DES SOLUTIONS

La planète compte dorénavant 7 milliards d’habitants... D’ici 2030, nous serons 9 milliards, et près de 6 milliards à nous concentrer dans les villes ou leurs périphéries. Les défis qui en découlent sont énormes, pour l’accès à l’eau et à l’assainissement bien sûr, mais bien plus encore pour l’accès à la santé, l’alimentation, l’énergie. Le 6ème Forum Mondial de l’Eau ambitionne d’inaugurer "le temps des solutions" et montrer comment la communauté internationale de l’eau contribue à relever les grands défis mondiaux.  

l'interview de Loïc FAUCHON
président du Conseil Mondial de l'Eau

propos recueillis par Martine LE BEC
h2o – mars 2011

 

Parmi les grands enjeux de l’eau, figure celui de la gestion de l’eau dans un monde hyper-urbanisé. Entre ville acceptable et ville durable, quel avenir pour les  villes pour le futur ?

Existe-t-il une "bonne" mégalopole ? Une ville modèle ? Au Sud, je n’en connais pas. Peut-on réellement, de toute façon, imaginer une ville durable alors que partout prime désormais la pratique du jetable ? Des mégapoles peuvent-elles être agréables ou sont-elles toutes détestables ? En ouvrant les yeux sur notre monde, la situation des mégapoles est largement calamiteuse. Où que ce soit, au Nord comme au Sud, elles ne font pas rêver. Pour un quartier durable, ici ou là, combien de zones de non-droit et de non-être subsistent-elles, où font défaut le logement, le transport, l’accès aux ressources et aux services ? C’est elles, pourtant, qui concentrent la réalité du monde d’aujourd’hui. Si au Caire, les étrangers visitent Héliopolis, c’est ailleurs, dans des quartiers insalubres, que vivent les 16 millions d’habitants de la capitale, durement, pauvrement et sans aucun espoir de voir leur vie s’améliorer.


Et en Europe ?

En Europe, nous sommes des nantis – dans cette salle plus qu’ailleurs. Mais nous devons réaliser que les villes que nous sommes en train de préparer pour demain sont des machines à exclure. Aussi pouvons-nous, même très modestement, contester le modèle unique qui consiste à annoncer une statistique effroyable : celle, qu’à l’horizon 2050, 70 % de la population mondiale vivra dans les villes.  Pouvons-nous continuer de laisser les grands espaces du monde se dépeupler ? En étant réalistes et conscients de la part de rêve qui nous motive, nous devons remettre en cause ce modèle, aujourd’hui partagé par tous les pays, pour essayer d’organiser, à la marge, des réseaux de villes moyennes plus efficients. Pour rendre l’environnement des villes et ces espaces "périurbains" plus attirants. Aujourd’hui, plus de 60 % de la population mondiale vit déjà dans la "grande" zone côtière, c'est-à-dire à moins de 150 kilomètres du rivage. Cette proportion pourrait s’élever à 80 % d’ici vingt-cinq ans !


C’est quoi une ville durable ?

Nous préparons nos enfants et nos petits-enfants à des lendemains difficiles. Il n’y a aura pas de villes durables si elles ne sont pas équitables, si elles ne donnent pas plus d’espoir à la majorité quasi-écrasante de leurs habitants qui ne bénéficient aujourd’hui aucun fruit du progrès. La ville durable n’est pas forcément celle qui aura été développée sur des règles d’urbanisme acceptables. C’est celle où les gens seront heureux.


L’eau et la ville : est-ce une relation de plus en plus difficile ?

À Pékin, la nappe phréatique baisse de 4 à 8 mètres tous les ans. Alors que la région compte dorénavant entre 70 et 80 millions d’habitants, les autorités sont en train d’investir dans le plus grand projet de transfert d’eau au monde, long de plus de 3 000 kilomètres, avec  les problèmes environnementaux que cela entraîne. À Chennai, en Inde, qui compte 9 millions d’habitants, le déficit en eau est de 300 000 mètres cubes  par jour, soit l’équivalent de la consommation d’eau de Marseille. À Accra, au Ghana, seulement 5 % des habitants bénéficient du réseau d’assainissement et 50 % n’ont ni fosse septique ni accès à des toilettes publiques. À Lima, au Pérou, 10 millions d’habitants, 90 % des rejets d’eaux usées, soit 16 à 17 m3/seconde, vont directement à la mer. Voilà la réalité de nos villes…

Concrètement, l’accès à l’eau dans les villes recule. C’est l’UN-Habitat qui l’annonce. En huit ans, entre 150 et 200 millions de personnes sont venues gonfler le nombre d’urbains n’ayant pas accès à l’eau. La progression est encore plus forte s’agissant de l’accès à l’assainissement. Pour l’avenir, deux impératifs se posent à nous : nourrir la population mondiale actuelle et ce milliard supplémentaire tous les dix ans, et la soigner. Car à quoi cela servirait-il de nourrir les hommes si c’est pour les laisser ensuite mourir ? Les maladies hydriques constituent la première cause de mortalité dans le monde.


À l’occasion prochain Forum, comment comptez-vous mobiliser les villes ?

En 2009, lors du 5ème Forum Mondial de l’Eau, le Conseil Mondial de l’Eau et ses partenaires ont œuvré pour sensibiliser les élus du monde entier aux défis croissants de l’eau en leur faisant adopter le Pacte d’Istanbul. En signant ce Pacte, de nombreux élus locaux se sont ainsi engagés  à mettre la question de l’eau et l’assainissement au cœur de leurs stratégies de développement. À ce jour, plus de mille villes et régions de 49 pays à travers le monde ont adhéré au Pacte d’Istanbul et pris des mesures pour une meilleure gouvernance de l’eau. Le 6ème Forum Mondial de l’Eau de Marseille, renforcera encore cette mobilisation, en donnant l’opportunité aux autorités locales  engagées dans ce processus de venir témoigner des solutions et bonnes pratiques qu'elles ont mises en œuvre


Sur quels piliers repose le renforcement des politiques de l’eau ?

Trois piliers doivent nous permettre de solidifier la "maison de l’eau". Le premier concerne le droit à l’eau. L’heure des discours est ici passée et l’Assemblée générale des Nations unies a montré la voie en votant, le 28 juillet 2010, une résolution reconnaissant le droit à une eau potable salubre et propre comme "un droit fondamental, essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l’homme". Le Conseil mondial de l’eau demande aux États d’inscrire ce droit dans leur Constitution ou dans leurs textes fondateurs et de veiller à sa mise en œuvre. Le Conseil demande ensuite son application effective, au Nord comme au Sud.


C'est-à-dire ?

Dans les pays développés, il s’agit de mettre en place des dispositifs  d’allocations gratuites pour les plus pauvres : les occupants de squats, les Roms, les sans domicile fixe et les exclus, qui sont de plus en plus nombreux et avec un accès de plus en plus difficile à l’eau. Les dispositions ne sont compliquées et relèvent davantage de la volonté politique. C’est la même chose dans le monde entier : la moitié des écoles africaines, par exemple, n’ont ni eau potable ni latrines. Le Conseil mondial de l’eau demande ainsi à tous les gouvernements des pays en développement et des pays les moins avancés de prévoir prioritairement ces aménagements.


Et les deux autres piliers ?

Le second concerne les politiques de régulation.  Nous ne pourrons  pas avancer dans le siècle si, en même temps que s’épanouit le génie civil et que nous augmentons l’offre en eau, nous n’établissons pas dans chaque pays des politiques de régulation de la demande. Le postulat sera "consommer moins, gérer mieux". Car le temps de l’eau facile est révolu. Il y a néanmoins de quoi espérer. Les solutions ne sont plus seulement d’ordre technique mais éminemment politiques. Le financement de l’eau constitue le troisième pilier d’une politique durable en ce domaine. Si nous savons convaincre les leaders politiques et les acteurs économiques que l’eau est une priorité, dans une grande majorité du monde, il y a des raisons d’être optimistes. C’est ce message que nous souhaitons porter au Forum mondial de Marseille.  .  

 

 ResSources
logo_wwf6.gif 6ème Forum Mondial de l'Eau
12-17 mars 2012, Marseille – France