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L’eau potable, un instrument universel de lutte contre la pauvreté

Mots clés : accès à l’eau potable et à l’assainissement, développement humain, croissance urbaine, sécurité collective, politique internationale
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L’EAU POTABLE
un instrument universel de lutte contre la pauvreté

Patrice FONLLADOSAprésident de (Re)sourcesprésident directeur général de Veolia Afrique Moyen-Orientprésident du comité Afrique du MEDEF

H2o – mars 2017

 

(Re)sources n'a de cesse, depuis plus de douze ans, de militer pour que le droit fondamental de tout être humain à une eau saine et à un assainissement compatible avec les impératifs de santé et de dignité humaine devienne une réalité pour tous. En 2017, entre 3 et 4 milliards de personnes n’ont toujours pas accès à l’eau potable dans le monde, et 2,5 milliards n’ont pas accès à l’assainissement. L’ampleur de ces chiffres ne suffit pourtant pas à mobiliser à la hauteur de l’enjeu ceux qui sont en charge de définir les priorités du développement.


L’accès à l’eau potable et à l’assainissement, conditions du développement humain

Il faut rappeler que les problèmes d’accès à l’eau potable et à l’assainissement sont étroitement liés aux problèmes d’inégalité. On évoque souvent la disponibilité de la ressource, plus ou moins éloignée, plus ou moins complexe à exploiter. On évoque aussi de plus en plus les effets du réchauffement sur cette disponibilité. Mais ce qui prive des centaines de millions de gens d’une eau de bonne qualité sanitaire en quantité suffisante, ou d’un assainissement digne de ce nom, ce sont avant tout des facteurs sociaux – la pauvreté – et politiques, au sens de la mobilisation des instances publiques qui sont en situation de décider.

Apporter une eau saine et traiter les eaux usées n’améliorent pas seulement la santé des populations concernées. Plus largement, il y a un fort impact positif sur l’éducation, l’autonomie des femmes, l’emploi et les revenus.


L’accès à l’eau et à l’assainissement, indissociables

L’accès à l’eau ne peut se concevoir sans l’accès à l’assainissement. Relever les défis de la santé, et plus globalement du développement, nécessite d’envisager toute la chaîne de l’eau : pas d’eau potable sans protection de la ressource, et pas de protection de la ressource sans gestion des eaux usées. La gestion et le traitement sont donc au cœur de la problématique de l’eau.

L’eau insalubre tue chaque année 5 millions de personnes, dont la grande majorité sont des enfants. Et ce n’est pas l’absence d’eau potable qui est l’une des premières causes de mortalité et de morbidité dans le monde mais bien l’absence de gestion des eaux usées. L’eau potable et l’assainissement sont les médicaments préventifs les plus puissants, plus puissants que tous les vaccins, permettant de faire baisser les maladies infectieuses. De surcroît, les maladies liées à l’eau s’avèrent être celles que l’on peut éviter le plus facilement.


Le pari de la croissance urbaine et de l’accès à l’eau et à l’assainissement

Alors que les campagnes voient le nombre de personnes ayant accès à de l'eau non contaminée augmenter, les villes font le constat inverse. Les zones urbaines dans les villes du Sud concentrent des situations d’inégalité, doublement pénalisantes pour les plus pauvres qui se trouvent non seulement exclus du service de l’eau mais également contraints à payer ce service à des tarifs beaucoup plus élevés pour une qualité sanitaire souvent dégradée. La plupart des villes des pays en développement ne disposent pas de système de gestion des eaux usées, du fait d'infrastructures absentes, déficientes ou inadaptées. Et bien souvent, le rythme d'installation de nouvelles infrastructures ne suit pas les besoins, particulièrement dans les zones informelles de bidonvilles. Une situation d’autant plus préoccupante qu’à l’horizon 2050, environ 6,7 milliards d'urbains, soit plus des deux tiers de la population mondiale, sont attendus dans les villes, principalement celles en développement.


L’eau, un sujet de sécurité collective

D’ici 2025, 4 milliards d’individus vivront dans des territoires soumis au stress hydrique, et ce plus particulièrement dans les pays du Sud. L’accès à l'eau représente un véritable enjeu de développement économique dans de nombreuses régions du monde où la pénurie d’eau, exacerbée par les effets du changement climatique, cristallise les tensions politiques et les conflits. 286 bassins hydrographiques et 592 aquifères traversent les frontières internationales, un nombre qui suggère par lui-même que des tensions peuvent naître et des coopérations se mettre en place, dans un contexte qui se complexifie entre démographie et impératifs de sécurité alimentaire. L’eau est un sujet de sécurité collective. Les flux migratoires l’attestent aujourd’hui : les populations quittent leur pays à cause des conflits mais aussi parce que les services essentiels ne sont pas assurés. Il importe que l’eau devienne un enjeu sécuritaire au niveau du Conseil de sécurité des Nations unies et de l’OTAN, notamment dans la région des pays du sud et de l’est de la Méditerranée, la région la plus pauvre en eau au niveau mondial.


Une volonté politique internationale affirmée

Désormais, les Objectifs du développement durable (ODD) s’inscrivent dans une perspective d’éradication de la pauvreté et accordent à l’eau et à l’assainissement toute leur place, dans le respect de l’environnement et compte tenu du défi climatique. Universels et ambitieux, les ODD sont assortis d’indicateurs précis et d’une approche ouverte aux partenariats, sans être exclusive, notamment vis-à-vis des entreprises.

Mais revendiquer l'accès à l'eau et à l’assainissement ne suffit plus. Il est indispensable que chaque secteur réfléchisse à l'efficacité de la gestion de cette ressource en remettant en cause ses propres pratiques. Pour que l'eau prenne enfin la place qu'elle mérite dans les négociations internationales, un rapprochement entre l'ensemble des secteurs concernés s'impose, qui doit briser les silos organisationnels. ▄

 

 L'auteur
Patrice Fonlladosa est président du think tank (Re)sources 

Après plusieurs expériences à l’international chez Bouygues et Matra durant une dizaine d’années, Patrice Fonlladosa a développé son expérience et son expertise depuis 1994 au sein du groupe Veolia. Depuis juillet 2013, il est nommé président de Veolia Africa et Veolia Middle East incluant les contrats de concession de l’eau, de l’énergie et de l’assainissement au Gabon, au Niger et au Maroc mais aussi en Namibie et au Ghana, et dans de nombreux pays du Moyen-Orient (Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Sultanat d’Oman, Qatar, etc.).

Patrice Fonlladosa est également président de Seureca, le pôle d’ingénierie conseil de Veolia, membre du conseil d’administration du MEDEF et du comité Afrique, membre du CEPS (Centre d’Études et de Prospective Stratégique), administrateur de la Fondation Veolia et président de l’AAVE (Association des actionnaires salariés de Veolia). Il a par ailleurs été administrateur de l’AFD (Agence française de développement) de 2009 à 2013 et de Proparco de 2009 à 2014.