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Dessin de tracé de fleuve

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L'eau de Vivendi, les vérités inavouables

Plongée dans les abysses de l'Empire

Mots clés : corruption, dissimulations, financements occultes, trafics d'influence
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Titre L'eau de Vivendi
les vérités inavouables
Auteurs Roger Lenglet
Jean-Luc Touly
Éditeur Alias
Coll. Enjeux Planète
ISBN 2-847260676
Pages 191
Sortie décembre 2003
Prix 17,95 euros
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Roger LENGLET
Jean-Luc TOULY
Des montagnes d'argent et des secrets bien gardés : enrichissements vertigineux, fuites de capitaux, financements occultes, pratiques d'influence douteuses, "arrosage" tout azimut achats de syndicalistes, manipulation d'élus, rapports dissimulés, bénéfices cachés... La Compagnie Générale des Eaux-Vivendi (rebaptisée Veolia) est derrière nombre d'entre eux. C'est pour mettre un terme à ces pratiques qu'un agent de maîtrise de Vivendi indigné et un journaliste d'investigation ont décidé de tout révéler, preuves à l'appui. Ce livre met sur la place publique des informations et des dossiers brûlants détenus par les autorités et les compagnies privées. Entre autres, des rapports confidentiels montrant comment on siphonne l'argent des Parisiens et des habitants d'Île-de-France à leur insu, via leurs factures d'eau... Et les baisses qu'on devrait normalement leur consentir.

Les auteurs mettent au jour également les dessous d'un des plus gros scandales du siècle ; la disparition, vers un compte off shore, des provisions versées depuis de nombreuses années par les communes en vue de rénover nos réseaux de distribution d'eau. Ils montrent que les villes de provinces n'échappent pas non plus aux manipulations des multinationales de l'eau. De Toulouse à Lille, en passant par Castres, Châtellerault, Grenoble et beaucoup d'autres communes, les usagers ont été les "vaches à lait" des grands groupes privés.

Le lecteur y verra aussi comment les multinationales de l'eau se livrent à des pratiques anti-concurrentielles, et refusent de communiquer aux autorités leurs comptes détaillés, en toute impunité. Il découvrira comment, à la CGE-Vivendi, on apprend à dissuader les élus de regarder les comptes de près. Et la manière dont la direction porte atteinte aux droit syndicaux de certains délégués du personnel quand ils n'entrent pas dans le jeu des petits financements... Bien au-delà de Jean-Marie Messier, ce livre dénonce des dysfonctionnements les mystifications de nombreux acteurs clés de l'eau. Loin de céder au pessimisme, la lecture de ce livre s'impose à tous ceux qui ne veulent plus être des payeurs aveugles. Un ouvrage pour apprendre à résister et à lutter contre le commerce éhonté de l'eau.

Atteintes à l'exercice du droit syndical
extrait

Le syndicat Force Ouvrière, troisième force syndicale de la CGE, jusqu'à l'arrivée de J.-M. Messier, ne se distinguait guère de ses homologues. Jusqu'au jour où, en 1998, un nouveau postulant au poste de secrétaire général des syndicats FO du groupe Vivendi, Christophe Mongermont, connu en tant que délégué syndical sur la région Bretagne, va susciter de vives inquiétudes. En effet, l'homme n'est pas réputé corvéable. Il est même particulièrement réfractaire aux pratiques hypnotiques. Ce syndicaliste a d'ailleurs laissé un souvenir embarrassant: il a réussi, judiciairement, à suspendre l'accord des 35 heures sur sa région en faisant reconnaître une violation des prérogatives légales du comité d'établissement. Il s'était ainsi retrouvé au centre d'une polémique nationale. Un journal local avait même osé parler de son succès en évoquant "David contre Goliath"...
La direction invite aussitôt les représentants des syndicats FO autour d'une bonne table pour fixer la stratégie qui doit l'empêcher de sortir vainqueur des élections, et met à leur disposition tous les moyens nécessaires.
"La direction a pris l'habitude de s'immiscer dans le fonctionnement des syndicats. Et ça marche...", commente aujourd'hui Christophe Mongermont. Mais, cette fois-ci, la stratégie de la direction sera vaine. En septembre 1998, C. Mongermont est élu secrétaire général de l'ensemble des syndicats FO des sociétés de distribution d'eau du groupe Vivendi et l'équipe de représentants de FO est renouvelée.
Des actions inédites vont dès lors être menées face, en particulier, à la politique financière menée par Messier. Tandis que les autres syndicats encensent toujours le nouveau PDG, les nouveaux délégués vont mener une véritable guérilla, y compris lors des réunions du Conseil d'administration ou des Assemblées générales des actionnaires. Une lutte qui va durer jusqu'à son départ... et même au-delà.

    On nous prenait pour des fous

"Ce fut une longue période de combat, ponctué d'actions et de critiques contre la politique de Messier, mais sa popularité médiatique et son pouvoir sur les autres syndicats ont verrouillé le système et nous avons crié dans le désert" explique le nouveau secrétaire général de FO. "Personne ne nous écoutait, la presse dans l'ensemble n'avait d'yeux que pour le brillant patron. Quant aux salariés, ils pensaient que nos positions étaient outrancières puisque nous soutenions que Messier conduisait le groupe droit dans le mur, que sa politique financière n'avait aucun avenir. Mais il réussissait à faire illusion. Nous avions le plus grand mal à faire comprendre qu'il hypothéquait purement et simplement le développement de notre société et qu'au minimum nous allions le payer très cber. Nous avons demandé la démission de Messier dès septembre 2001. Là, nous passions franchement pour des fous. Nous étions pourtant simplement lucides."
Avec le recul, cette analyse apparaît en effet dans toute sa pertinence, même si certains salariés regrettent encore le tempsdes rêves et restent attachés à l'image du timonier qui leur promettait la conquête du monde. Désormais les rangs de FO ont grossi depuis la chute de Messier et la mise en évidence de ses manoeuvres. "Nous enregistrons à la CGE une progression de nos adhérents de l'ordre de 14 % sur trois ans", commente-t-on du côté du syndicat.
Pourtant l'issue du combat n'est pas encore acquise. Et avant d'en arriver là, il aura fallu que ces nouveaux délégués déjouent les pièges que la direction leur a tendu. "Messier n'a cessé de vouloir s'immiscer dans notre fonctionnement. La première fois, c'était pour me proposer un détachement dans une structure interprofessionnelle sans limite de temps et payée par l'entreprise. Cette promotion avait évidemment une contre-partie : en échange je devais abandonner tous mes mandats syndicaux au sein des entreprises Vivendi. J'ai bien sûr refusé. Du coup, la direction m'a proposé un arrangement financier en plus de mon détachement ! J'ai répondu qu'il était hors de question que j'accepte ce genre de transaction qui consistait à m'acheter."

    On a eu droit à tout !

Dans le domaine du lobbying, qu'il s'agisse des pratiques d'influence interne à l'entreprise ou externe, la vertu de la "carotte" ne permet pas toujours d'obtenir les résultats escomptés, même si elle se révèle le plus souvent suffisante pour réduire l'adversité. En cas d'échec, on assiste alors généralement à l'apparition de méthodes qui relève de la logique du "bâton". C'est précisément ce qui advînt. "Après mes refus, on a eu droit à un vrai matraquage juridique. De plus, la direction a opté pour une stratégie d'entraves systématiques au fonctionnement du syndicat. L'objectif était de nous épuiser et nous faire rentrer dans le rang avec l'aide des "bons syndicalistes" qui prennent encore leurs ordres dans le bureau du DRH national" soupire C. Mongermont. "On a eu droit à tout : la direction a même pris la responsabilité, en toute illégalité, d'empêcher notre délégation syndicale de participer à toutes les réunions de négociation, y compris physiquement en payant des agents de la sécurité pour qu'ils nous interdisent l'entrée aux salles de réunion .... On a pris la décision de ne plus y participer de crainte d'en venir aux mains !".
Parallèlement, pour la seule année 2001, la direction saisissait une vingtaine de tribunaux d'instance pour demander la révocation judiciaire de tous les mandats des délégués syndicaux FO, pourtant régulièrement désignés au sein des sociétés du groupe. Peine perdue, tous ces tribunaux débouteront Vivendi de ses demandes et un jugement de la Cour d'appel de Versailles confirmera les conclusions des magistrats.