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Dessin de tracé de fleuve

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Eau & mythologie III
Divinités et mythes de Mésopotamie

Mots clés : divinités, mythes, mythologie, Mésopotamie, Sumer, Akkad, Babylone, Assur, Épopée de la Création, Épopée de Gilgamesh, Déluge
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Index du dossier
1. Le pays entre deux fleuves
2. L´eau primordiale
3. Le mythe fondateur du déluge
4. L´eau indomptable
5. Le puissant dieu de l´Orage, maître du Panthéon
6. Les principales divinités des Eaux
7. Les créatures aquatiques
8. Les mythes des saisons
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L’eau primordiale

 

Dans la mythologie mésopotamienne, comme l’atteste "le poème de la naissance des dieux beaux et gracieux", retrouvé à Ugarit en Phénicie, l’eau est à l’origine de la création du monde et de la vie. Les deux grands mythes fondateurs sont liés à l’eau : la création du monde à partir des eaux primordiales et le déluge qui génère la destruction et la renaissance de l’humanité.

Les Mésopotamiens imaginent les origines du monde de la manière dont ils considèrent l’univers. Ki, la Terre est un disque flottant sur Apsou, l’Eau douce, qu’entoure un grand océan bordé de montagnes. L’ensemble est enfermé dans une sphère dont la partie supérieure constitue An, le Ciel, et la partie inférieure, le monde des Enfers. Cette sphère baigne dans la mer primordiale.

Les versions varient selon les civilisations.

Chez les Akkadiens, par exemple, une cosmogonie fait apparaître un enchaînement de causes : Anou crée le Ciel ; le Ciel engendre la Terre ; la Terre engendre à son tour les rivières ; les rivières créent les canaux ; les canaux engendrent les bourbiers. Les bourbiers donnent naissance au ver qui, logé dans la dent, est source de souffrance…

Mais la version la plus célèbre est d’origine sumérienne et racontée dans l’Enûma Elis. Elle met en scène le dieu babylonien Mardouk qui vainc les éléments et donne au monde sa forme actuelle.

L’Enûma Elis ou l’Épopée de la Création

Lorsque Là-haut le ciel n’était pas encore nommé,
Et qu’Ici-bas la terre-ferme n’était pas encore appelée d’un nom,
Seul Apsû-le-premier, leur progéniteur
Et Mère-Tiamat, leur génitrice à tous,
Mélangeaient ensemble leurs eaux.

L’Enûma Elis (qui signifie en assyrien : Lorsqu’en haut, premiers mots du poème) est l’Épopée de la Création, version Sumer. Ce poème de 1 100 vers, rédigé sous le règne de Nabuchodonosor 1er (1124-1103 av. J.-C.), relate le récit le plus célèbre du mystère des origines.

Au commencement était Apsou, l’Eau douce, élément masculin primordial, étendue infinie des eaux douces souterraines et son épouse Tiamat (terme akkadien désignant la mer), l’Eau salée, élément féminin et maternel, composée de l’immensité des eaux salées. Ces deux entités suprêmes indéfinies forment un élément unique et indifférencié. Rien n’existe en dehors d’elles avant que leurs eaux ne se mêlent. L’union de ces deux éléments liquides engendre de nouveaux éléments primordiaux d’où naissent les autres Dieux et d’où surgit la Terre qui va permettre le développement de la vie humaine.

L’union d’Apsou et de Tiamat donne donc naissance au Tumulte des flots, Moummou, puis aux premières créatures divines, deux serpents monstrueux, Lahmou et Lahamou. Ces deux serpents enfantent Anshar, "Ciel Total", le principe mâle associé au monde céleste, et Kishar, "Terre Totale", le principe femelle assimilé au monde terrestre. De ces deux mondes naissent Anou, dieu du Ciel et deux autres sortes de divinités : les Igigi, petits dieux qui peuplent le Ciel, et les Announaki, génies des enfers. Cette pléiade de nouveaux dieux se révèle turbulente et bruyante. Elle trouble le repos de Tiamat, qui, appuyée par Apsou et Moummou, décide de les anéantir.

Le fils d’Anou, Ea, dieu des Eaux douces souterraines, informé des projets de la déesse, jette un sort paralysant sur Moummou et enchaîne Apsou avant de le tuer. Dans les abysses aquatiques de l’Apsou, Ea installe son royaume souterrain et le peuple de ses créatures, tels les sept apkallu mi-hommes, mi-poissons, les lahmu et les enku. Il engendre avec Damkina un fils : Mardouk, futur dieu de Babylone.

 

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Tiamat, l'étendue d'eaux salées, s'unissant à Apsou, l'étendue infinie d'eaux douces souterraines.

 

L’œuvre de Mardouk Tiamat, que la mort d’Apsou rend folle de douleur et de rage, enfante des serpents énormes et effroyables, des dragons hideux, des chiens furieux, des hommes-scorpions : toute une armée terrible qu’elle place sous le commandement de son fils, Qingou.

Pour affronter la vengeance de la déesse, Ea demande l’aide d’Anshar, le dieu du Monde céleste, qui délègue Anou, le dieu du Ciel. Mais celui-ci, effrayé, se dérobe. Les dieux font appel à Mardouk, qui accepte à condition d’obtenir l’autorité suprême. Ils lui remettent donc le sceptre, le trône et l’insigne de la royauté ainsi qu’une arme lui permettant de repousser ses ennemis.

Mardouk peut ainsi provoquer Tiamat en combat singulier et la tuer. Il fend en deux son cadavre. De la première moitié de Tiamat, il construit la voûte du ciel. De l’autre moitié, placée sur les eaux, il fabrique le support de la Terre, une terre flottante qui abrite le séjour des hommes. Le monde repose donc sur une vaste étendue d’eau. C’est au centre de cette île instable que les Mésopotamiens situent la cité de Babylone.

Avec la poitrine de Tiamat, Mardouk crée les montagnes. De ses yeux sourdent le Tigre et l’Euphrate, les deux principaux fleuves mésopotamiens sont ainsi divinisés. De son écume jaillissent la neige et la pluie. Son œuvre achevée, Mardouk tranche la gorge à Qingou et, avec son sang, donne naissance à l’humanité.

Dans l’Enûma Elis, le Fleuve divin est à l’origine de tout. L’eau, qu’elle soit douce ou salée, joue un rôle central. Le Tigre, qui naît dans les montagnes d’Assyrie, et l’Euphrate dans celles d’Arménie ont permis grâce à leurs eaux abondantes, l’émergence d’un croissant fertile sur leurs rives, si bien qu’ils apparaissent aux yeux des peuples mésopotamiens comme les créateurs de toute chose.

 

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Les dieux offrent à Mardouk le sceptre, le trône et l'insigne de la royauté.
Mardouk coupant Tiamat en deux, d'une moitié sera le ciel, de l'autre, la terre.

 

Poème de la naissance des dieux beaux et gracieux

Ce poème phénicien conte l’union du Soleil et de l’Eau, quand le Soleil féconde la Mer. De la rencontre de ces deux éléments primordiaux jaillit la vie, débordante d’énergie.

À l’époque de l’année où la végétation dépérit, où le sol est stérile, le dieu solaire, El, s’avance vers la mer d’où proviennent de langoureux appels qui l’attirent irrésistiblement. Partant à la rencontre de sa parèdre Ashérat, la dame de la Mer, il aperçoit sur son rivage deux jeunes femmes qui font "monter l’eau". Ces créatures, incarnant à la fois la déesse Ashérat et ses filles, l’appellent tantôt "époux", tantôt "papa", et l’implorent de les féconder. Le dieu à la force fécondante cède à leurs prières, entre dans l’eau, étend ses bras et l’étreint généreusement.

Mais son fils Môt, dieu de la sécheresse, qui personnifie la dualité de l’action du soleil, empêche l’union en bloquant, avec le sceptre de stérilité, la puissance virile d’El. Une lutte s’engage entre le père et le fils, qui s’incline sous l’action conjuguée de plus puissant des dieux et des jeunes filles des flots.

Sa puissance fécondatrice restituée, le Soleil se penche sur les eaux et effleure de sa bouche les lèvres des jeunes femmes. En un baiser est conçu un premier enfant, Shahar, l’Aurore, dont le nom évoque le lever du Soleil. C’est le premier dieu "beau et gracieux". Un deuxième dieu est créé : Shalem, le Soir, dont le nom désigne l’astre solaire au crépuscule. Naissent en tout, l’un après l’autre, "sept dieux beaux et gracieux" de l’union du Soleil et de la Mer. Le dernier fonde au milieu du désert la cité d’Asdod, devenant ainsi le géniteur du peuple phénicien.

 

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Le dieu El et sa parèdre Ashérat, la dame de la mer.
El, le soleil, fécondant Ashérat, la mer.