Magazine H2o | Mille et Une rivières intermittentes | Brèves - Monde

Dessin de tracé de fleuve

Accueil > Brèves > Monde > Mille et Une rivières intermittentes


Étude Recherche
Mille et Une rivières intermittentes

Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
Dossier de
la rédaction de H2o
  
12/09/2015

Mobiliser des scientifiques du monde entier autour des rivières intermittentes sur la base du volontariat, tel est le projet fou lancé par un chercheur d’IRSTEA. Objectif : améliorer nos connaissances sur ces rivières asséchées une partie de l’année et ainsi pallier au manque de données.

Depuis la Bolivie, Thibault Datry, éco-hydrologue à IRSTEA, a eu une idée un peu folle : mobiliser des chercheurs du monde entier pour étudier les rivières intermittentes. 2 000 emails plus tard, une initiative internationale est lancée, en partenariat avec l’IGB (l’Institut Leibniz d'écologie des eaux douces et des pêches intérieures, implanté à Berlin) et l’IRBAS (Intermittent River Biodiversity Analysis and Synthetis, le projet, lancé en 2013 et soutenu par le Centre de synthèse et d'analyse sur la biodiversité de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité et l’ONEMA a donné lieu à une base de données de biodiversité des rivières intermittentes) : The 1000 intermittent rivers project.

"Notre idée est simple : une seule et même manip facile et peu coûteuse effectuée sur 1 000 rivières dans le monde pour couvrir un maximum de situations. Nous obtiendrons ainsi un jeu de données unique dont l’analyse fera grandement avancer les choses." Un projet sans financements et uniquement porté par des chercheurs volontaires : le pari était audacieux mais 80 laboratoires ont répondu présent dans près de 25 pays – de la Namibie à l’Antarctique, en passant par l’Équateur ou encore l’Inde, et près de 400 rivières sont envisagées sur tous les continents.

Pourquoi lancer une telle initiative ? Bien que les rivières intermittentes représentent la moitié du réseau mondial des cours d’eau, elles ont été mises de côté tant par les chercheurs que les gestionnaires pendant de nombreuses années, car perçues comme peu intéressantes à la fois d’un point de vue hydrologique et biologique. En résultat "très peu de données sont disponibles sur ces écosystèmes, ce qui limite profondément notre compréhension de leur fonctionnement et de leur biodiversité, ainsi que notre capacité à les gérer et protéger, explique Thibault Datry, porteur du projet IRBAS. En particulier, les quantifications globales de la contribution des cours d’eau au cycle du carbone et au réchauffement climatique ont largement sous-estimé le rôle de ces rivières : pourtant, même quand elles ne sont pas en eau, elles sont très actives biologiquement !" En effet, quand une rivière est asséchée, elle accumule de la matière organique (bois, feuilles mortes, biofilms…) parfois en très grand quantité. Lors de la remise en eau, toute cette matière organique est décomposée en partie biologiquement, puis est entraînée vers l’aval. Les conséquences de ces remises en eau sont mal connues, mais peuvent être terribles. "Par exemple en Australie, des pulses d’eau avec des taux très faibles d’oxygène dissous sont répandus sur des milliers de kilomètres à l’aval de secteurs intermittents, avec des conséquences catastrophiques sur les écosystèmes aquatiques." Avec le protocole mis en place, les scientifiques vont acquérir des données sur la quantité et le type de matière organique accumulée sur des tronçons asséchés sur des centaines de rivières. Une description quantitative va être réalisée, en prenant en compte le contexte (présence de végétation, durée de la période en assec, climat, etc.). Des sous-échantillons seront ensuite envoyés en laboratoire pour une description plus qualitative : "Nous allons décrire la réactivité biologique de cette matière, quantifier les flux de dioxyde de carbone/méthane qu’elle génère et caractériser les communautés microbiennes. Retrouve-t-on les mêmes bactéries dans les lits de rivières asséchés du monde entier ? Ou encore, a-t-on à faire à de la matière inerte qui va être transportée jusqu’à la mer, ou à de la matière organique très réactive qui va participer au réchauffement climatique et menacer la qualité des écosystèmes aquatiques situés à l’aval ?" Entre 2 000 et 5 000 échantillons sont attendus au cours des deux prochaines années. Pour y faire face, les analyses seront réparties entre l’Université de Grenoble, l’Université du Pays-Basques, l’IGB et IRSTEA à Lyon. "On va avoir une telle quantité de données, dans différentes conditions – jusqu’en Antarctique ! – qu’on va pouvoir faire des comparaisons très puissantes inter-systèmes, inter-continents, etc.", précise un Thibault Datry.

Derrière cette démarche de science participative, c’est tout un réseau international de collaborateurs qui se met en place. "C’est la première fois qu’un réseau à l’échelle extra-européenne met en relation des personnes qui travaillent sur les cours d’eau intermittents !" Cette initiative fait suite à un projet de synthèse et analyse de la biodiversité des rivières intermittentes, également porté par Thibault Datry. Et après ? "On peut imaginer tout un tas d’autres manips, notamment pour décrire les communautés d’invertébrés terrestres dans les rivières intermittentes. L’idée est d’inscrire ce projet dans la durée." Rivières intermittentes, mais recherches en continu donc… La collaboration se poursuit en ligne sur les réseaux sociaux, notamment Twitter : des laboratoires/équipes annoncent leur participation, des scientifiques partagent leurs manips en direct, etc. >>#1000IRP

Mille et Une rivières intermittentes

 

201509_1000et1rivieres_1.jpg

201509_1000et1rivieres_2.jpg