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Innovation
Et si nos excréments pouvaient faire rouler des bus ?

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Dossier de
la rédaction de H2o
  
19/05/2020

Les boues d’épuration, qu’elles soient urbaines ou industrielles, constituent le principal déchet produit par une station d’épuration. Riches en azote et en phosphore, ces boues sont largement utilisées comme fertilisant, en Europe surtout, par l’industrie agricole. Elles peuvent cependant contenir des métaux lourds. Aux États-Unis, l’épandage de boues liquides pratiqué durant plus de 30 ans en forêt, est ainsi suspecté d’être à l’origine de certaines pollutions et de l’apparition de maladies dégénératives touchant un nombre croissant de cervidés dans une dizaine d’États et au Canada. D’autres utilisations pourraient donc être envisagées. Deux professeurs de l’Institut national canadien de la recherche scientifique (INRS) ont ainsi eu l’idée de les utiliser pour développer un biodiesel. "L’idée est d’ajouter à ces boues, principalement municipales ou issues de l’industrie des pâtes et papiers, un composé organique qui participe à l’élaboration des corps gras, à savoir le glycérol", explique Rajeshwar D. Tyagi, chercheur en bioconservation des résidus et coresponsable scientifique du laboratoire de biotechnologies environnementales (LBE) à l’INRS. Le mélange est ensuite placé en présence d’organismes microbiens qui vont se nourrir de cette boue et la transformer en une biomasse cellulaire riche en lipides. Une fois cette bioréaction terminée, la biomasse est récupérée et ses cellules brisées avec un détergent biodégradable. Les lipides qui se trouvent à l’intérieur des cellules peuvent alors être captés, optimisés et convertis en biodiesel.

Avec son collègue Patrick Drogui, chercheur en électrotechnologies et en traitements des eaux, M. Tyagi travaille à la mise au point du procédé de transformation depuis 2011. Leurs travaux ont d’ailleurs recueilli de nombreuses récompenses scientifiques à travers le monde. Aujourd’hui, l’équipe est allée au bout de ses recherches en laboratoire, elle est prête pour le transfert de technologie à l’industrie. Le procédé sera ainsi bientôt testé par des usines pilotes avant sa mise en marché. Si la production de biodiesel par le LBE n’en est encore qu’en phase d’expérimentation, le laboratoire peut se targuer d’avoir déjà réussi à transformer des boues d’épuration en d’autres bioproduits. Ses travaux portent notamment sur la production de biopesticides microbiens et fongiques, d’inoculants microbiens, d’enzymes industrielles, bioplastiques et autres biopolymères. Certains procédés sont déjà commercialisés. "Nous avons de bonnes raisons de croire que notre biodiesel pourra l’être également, indique Rajeshwar D. Tyagi. D’abord, parce que la capacité de notre laboratoire nous permet une première mise à l’échelle, intermédiaire, avant les essais dans les usines pilotes. Ensuite, parce que le procédé utilisé pour les bioplastiques est sensiblement le même et que l’on sait déjà que celui-ci fonctionne bien."

Hélène Roulot-Ganzmann – Le Devoir