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1 000 000 espèces menacées d'extinction

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Dossier de
la rédaction de H2o
  
01/07/2019

Un taux d’extinction des espèces "sans précédent" et qui s’accélère

  
"La nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l'histoire humaine, et le taux d’extinction des espèces s’accélère provoquant dès à présent des effets graves sur les populations humaines du monde entier", alerte le nouveau et historique rapport de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), dont le résumé a été approuvé lors de la 7ème session plénière de l'IPBES, qui s’est réunie du 29 avril au 4 mai à Paris. "Les preuves accablantes contenues dans l’évaluation globale publiée par l’IPBES et obtenues à partir d'un large éventail de domaines de connaissance, présentent un panorama inquiétant", a déclaré le président de l’IPBES, Sir Robert Watson. "La santé des écosystèmes dont nous dépendons, ainsi que toutes les autres espèces, se dégrade plus vite que jamais. Nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier." "Le rapport nous dit aussi qu'il n’est pas trop tard pour agir, mais seulement si nous commençons à le faire maintenant à tous les niveaux, du local au mondial", a-t-il ajouté, "grâce au "changement transformateur", la nature peut encore être conservée, restaurée et utilisée de manière durable, ce qui est également essentiel pour répondre à la plupart des autres objectifs mondiaux. Par changement transformateur, on entend un changement fondamental à l’échelle d’un système, qui prend en considération les facteurs technologiques, économiques et sociaux, y compris en termes de paradigmes, objectifs et valeurs.  Les États membres de la plénière de l'IPBES ont reconnu que, par sa nature même, un changement transformateur peut susciter une opposition de la part de ceux qui ont des intérêts attachés au statu quo, mais également que cette opposition peut être surmontée pour le bien de tous."

Le Rapport d’évaluation mondiale sur la biodiversité et les services écosystémiques est le document le plus exhaustif réalisé à ce jour. Il s’agit du premier rapport intergouvernemental de ce type. Il s’appuie sur l’évaluation historique des écosystèmes pour le millénaire (Millenium Ecosystem Assessment) de 2005 et introduit de nouveaux moyens pour d’évaluation des preuves. Élaboré par 145 experts issus de 50 pays au cours des trois dernières années, avec des contributions additionnelles apportées par 310 autres experts, le rapport évalue les changements au cours des cinq dernières décennies et fournit un aperçu complet de la relation entre les trajectoires de développement économique et leurs impacts sur la nature. Le document propose également un éventail de scénarios possibles pour les décennies à venir. Basé sur une revue systématique d'environ 15 000 références scientifiques et sources gouvernementales, le rapport s’appuie également (et pour la première fois à une telle échelle) sur les savoirs autochtones et locaux, et aborde en particulier les questions concernant les peuples autochtones et les communautés locales. Le rapport estime qu’environ 1 million d'espèces animales et végétales sont aujourd'hui menacées d'extinction, notamment au cours des prochaines décennies, ce qui n’a jamais eu lieu auparavant dans l'histoire de l’humanité. Depuis 1900, l'abondance moyenne des espèces locales dans la plupart des grands habitats terrestres a diminué d'au moins 20 % en moyenne. Plus de 40 % des espèces d’amphibiens, près de 33 % des récifs coralliens et plus d'un tiers de tous les mammifères marins sont menacés. La situation est moins claire pour les espèces d'insectes, mais les données disponibles conduisent à une estimation provisoire de 10 % d’espèces menacées. Au moins 680 espèces de vertébrés ont disparu depuis le XVIe siècle et plus de 9 % de toutes les races domestiquées de mammifères utilisées pour l’alimentation et l’agriculture avaient disparu en 2016, et 1 000 races de plus sont menacées. "Les écosystèmes, les espèces, les populations sauvages, les variétés locales de plantes et les races locales d’animaux domestiques diminuent, se réduisent ou disparaissent. Le tissu vivant de la Terre, essentiel et interconnecté, se réduit et s’effiloche de plus en plus", a déclaré le professeur Settele."Cette perte est la conséquence directe de l'activité humaine et constitue une menace directe pour le bien-être de l’humanité dans toutes les régions du monde." Pour accroître la pertinence politique du rapport, les auteurs de l'évaluation ont classé, pour la première fois à une telle échelle et sur la base d’une analyse approfondie des données disponibles, les cinq facteurs directs de changement qui affectent la nature et qui ont les plus forts impacts à l’échelle mondiale. Les facteurs responsables sont, par ordre décroissant : 1. les changements d’usage des terres et de la mer ; 2. l'exploitation directe de certains organismes ; 3. le changement climatique ; 4. la pollution et 5. les espèces exotiques envahissantes. En dépit des progrès réalisés pour conserver la nature et mettre en œuvre des politiques en faveur de celle-ci, le rapport met aussi en évidence que les trajectoires actuelles ne permettent pas d’atteindre les objectifs mondiaux visant à conserver et exploiter durablement la nature. Les objectifs pour 2030 et au-delà ne pourront être atteints que par un changement transformateur dans les domaines de l’économie, de la société, de la politique et de la technologie. 

D’autres résultats majeurs du rapport sont à prendre aussi en compte : les trois quarts de l'environnement terrestre et environ 66 % du milieu marin ont été significativement modifiés par l’action humaine ; en moyenne, ces tendances ont été moins graves ou évitées dans les zones qui appartiennent à ou sont gérées par des peuples autochtones et des communautés locales. Plus d'un tiers de la surface terrestre du monde et près de 75 % des ressources en eau douce sont maintenant destinées à l’agriculture ou à l’élevage ; la valeur de la production agricole a augmenté d'environ 300 % depuis 1970, la récolte de bois brut a augmenté de 45 % et environ 60 milliards de tonnes de ressources renouvelables et non renouvelables sont maintenant extraites chaque année dans le monde – quantité qui a presque doublé depuis 1980 ; la dégradation des sols a réduit de 23 % la productivité de l’ensemble de la surface terrestre mondiale ; une partie de la production agricole annuelle mondiale, d’une valeur marchande pouvant atteindre 577 milliards de dollars US, est confrontée au risque de disparition des pollinisateurs et de 100 à 300 millions de personnes sont exposées à un risque accru d'inondations et d’ouragans en raison de la perte d'habitats côtiers et de leur protection. En 2015, 33 % des stocks de poissons marins ont été exploités à des niveaux non durables ; 60 % l’ont été au niveau maximum de pêche durable, et seulement 7 % à un niveau inférieur à celui estimé comme étant durable. Les zones urbaines ont plus que doublé depuis 1992, la pollution par les plastiques a été multipliée par dix depuis 1980, environ 300-400 millions de tonnes de métaux lourds, solvants, boues toxiques et autres déchets issus des sites industriels sont déversés chaque année dans les eaux du monde, et les engrais qui arrivent dans les écosystèmes côtiers ont produit plus de 400 "zones mortes" dans les océans, ce qui représente environ 245 000 km2, soit une superficie totale plus grande que le Royaume-Uni. Les tendances négatives de la nature continueront jusqu’en 2050 et au-delà, dans tous les scénarios politiques explorés dans le rapport, sauf dans ceux qui proposent un changement transformateur – cela en raison de l’impact qu’aura l'augmentation du changement d’usage des terres, l'exploitation de certains organismes et le changement climatique, toutefois avec des différences significatives selon les régions.

L’IPBES a publié le résumé à l’intention des décideurs (RID) du rapport d'évaluation mondiale. Le RID résume les messages-clés et les options politiques votées en session plénière de l'IPBES.  Le rapport complet qui comprend six chapitres (et toutes les données) fera plus de 1 500 pages et sera publié dans le courant de l’année.

Liens et informations complémentaires – IPBES