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Chine
La Chine accélère son programme d’ensemencement des nuages

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Dossier de
la rédaction de H2o
  
06/01/2021

La Chine a annoncé son intention de déployer sur plus de la moitié de son territoire d’ici 2025 son programme d’ensemencement des nuages, jusqu’alors testé de façon très ciblée. L’objectif du programme est d’éviter les sécheresses et les chutes de grêle qui peuvent affecter sa production agricole.

Pékin, été 2008. Plus d’un millier d’obus chargés d’iodure d’argent ont été tirés durant huit heures. Il s’agissait de clarifier le ciel de la capitale chinoise pour éviter que des précipitations ne viennent perturber la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, que la ville s’apprêtait à accueillir. Depuis cette date, quasiment tous les grands événements internationaux organisés sur place sont précédés de leur rituelle séance d’ensemencement des nuages. Ce fut le cas notamment en 2014, quelques jours avant le sommet des pays de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC), tandis que le ciel de Beijing était noyé dans ce smog caractéristique qui donne régulièrement une allure apocalyptique à la capitale chinoise. Cinq ans plus tard, en octobre 2019, à l’occasion du 70ème anniversaire de la République populaire, rebelote : pas question que la pluie ne vienne gâcher les célébrations en cette journée destinée à montrer à la face du monde la puissance militaire de la Chine. Jusqu’alors, le recours de la Chine à cette technique de géoingénierie, dont les premières expérimentations par le parti communiste chinois remontent aux années 1960, était limité géographiquement et dans le temps. Mais le 9 décembre dernier, la Chine a annoncé son intention de développer rapidement et massivement son programme d’ensemencement des nuages. Cette fois, il s’agit d’être en capacité d’intervenir d’ici 2025 sur une zone de 5,5 millions de kilomètres carrés, soit plus de la moitié de la superficie du pays (et 1,5 fois celle de l’Inde). La technique est toujours la même : injecter dans les nuages présentant un taux d’humidité particulièrement élevé de petites quantités d’iodure d’argent afin d’accélérer la condensation des particules et générer artificiellement des précipitations.  Cette fois, il ne s’agit plus seulement de garantir une météo optimale aux athlètes, aux soldats ou aux chefs d’États de l’APEC. L’ensemencement des nuages doit permettre de minimiser les pertes dues aux catastrophes naturelles, notamment les épisodes de sécheresse et les chutes de grêle qui peuvent être particulièrement destructrices en Chine. En 2019, l’agence de presse Chine Nouvelle avait d’ailleurs fait état d’une réduction de 70 % des dégâts causés par la grêle sur les cultures dans la province du Xinjiang grâce à cette technique de manipulation de la météo. À terme, à l’horizon 2035, l’ambition de la Chine est de faciliter, grâce à la géoingénierie, la restauration des écosystèmes naturels, et de redynamiser ainsi plusieurs régions dont l’économie repose sur leur production agricole.

Si cette extension du programme chinois est spectaculaire, on ne peut pas dire pour autant qu’il s’agisse d’une surprise. En 2017, le pays avait déjà investi 168 millions de dollars dans un programme censé permettre le déploiement d’avions, de lance-roquettes et de dispositifs de commande afin d’intervenir météorologiquement sur 10 % du territoire national. Parmi les zones sensibles concernées par ce programme figure le plateau tibétain qui constitue la principale réserve d’eau douce du pays. Des chercheurs chinois travaillent ainsi depuis plusieurs années sur un plan baptisé Tianhe (Rivière du ciel) visant à détourner la vapeur d’eau du fleuve Yangtsé vers le fleuve Jaune, où elle serait alors transformée en eau de pluie, explique le quotidien britannique The Guardian. Un dispositif censé permettre d’éviter les pénuries d’eau dans le nord du pays mais qui risque d’attiser les tensions régionales, notamment avec l’Inde, puisqu’il aurait un impact sur le débit des fleuves Mékong, Salween et Brahmapoutre. Au-delà des tensions diplomatiques, l’incertitude demeure également sur les conséquences écologiques possibles d’un recours massif à l’ensemencement des nuages tel que l’envisage la Chine, notamment pour les sols et les rivières.

Blaise Mao – Usbek&Rica

 

Quand la Chine veut rendre fertile 10 % de son territoire en ensemençant les nuages
Sophie Bécherel – France Inter