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Madagascar
L'eau, opportunité de social business pour les femmes dans le Grand Tanà

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Dossier de
la rédaction de H2o
  
27/03/2020

Les liens entre les femmes et l'eau sont vitaux dans la société malgache car en devenant un bien commun non gratuit, l'eau a un impact sur l'économie. La difficulté d'approvisionnement a atténué le rôle reproductif de "chercheuse d'eau" surtout en milieu urbain. Par ailleurs, sachant que les femmes et les enfants sont les plus touchés par la malnutrition et les problèmes de santé, l'explosion urbaine n'arrange pas la situation. Changer la vision sur l'eau en milieu urbain en créant une économie circulaire peut dès lors apparaître comme un modèle économique exploitable au niveau local, garant d'un développement durable.

Le pays dispose d’eau en quantité et en bonne qualité, mais répartie d'une région à l'autre, il faudrait donc trouver une manière plus efficiente de la gérer, au-delà de son aspect de bien commun social, explique Felaniaina Rakotondrabe, PhD Hydrogéologie et hydrochimie. À Antananarivo, le taux de desserte moyen en eau potable est de 46,5 %, avec un accès au branchement privé de 53,4 %, et en borne-fontaine de 45,7 %. La différence de consommation entre le ménage qui bénéficie de branchement privé et celui qui s'approvisionne auprès des bornes-fontaines est significative et pertinente car de l'ordre de 113 litres/jour/personne pour le privé et de 37 litres/jour/personne pour les bornes-fontaines. Cette différence s'explique par la gestion des bornes-fontaines qui réduit l'accès des ménages urbains à l'eau potable, l'ouverture des bornes-fontaines étant strictement règlementée. En moyenne, ces bornes-fontaines ouvrent 6 à 8 heures par jour et les utilisateurs font généralement la queue entre 15 minutes et une heure avant de s’approvisionner. Le prix de l'eau varie selon les points d'eau et le volume du bidon d'une part, et selon qu'il est livré à domicile ou non d'autre part. Un bidon d'eau de 30 litres vaut entre 30 ariarys et 100 ariarys et il peut aller jusqu'à 300 ariarys s’il est livré au domicile de l'utilisateur. Au vu des tâches multiples des femmes, le recours à des livreurs est devenu courant et ce sont donc principalement les hommes qui se retrouvent aux bornes-fontaines pour assurer les livraisons qu’ils effectuent dans les foyers et gargotes. Ainsi, chercher de l'eau est devenu une activité génératrice de revenus plus pour les hommes que pour les femmes.

Toutefois, l'économie circulaire permettrait de créer de nouveaux modèles d’affaire innovants : ainsi, par exemple, la récupération des eaux usées et leur réemploi, les eaux de rinçage des vaisselles et des linges pouvant aussi servir à arroser les plantes ou à nettoyer ou encore l'eau des douches filtrée pour laver les voitures ou nettoyer les toilettes constitue des formes d'économie circulaire, au niveau ménage, qui pourrait déboucher sur une idée d’exploitation au niveau local. Selon José Graziano da Silva, "les faits prouvent que lorsque les femmes peuvent agir de manière autonome, les exploitations sont plus productives, les ressources naturelles sont mieux gérées, la nutrition est améliorée et les moyens d'existence sont plus sûrs." Il s’agirait ainsi d’initier les femmes des quartiers vulnérables aux types d'agriculture prônés dans le cadre du programme AULNA, Agriculture Urbaine Low Space No Space à Antananarivo. Le programme préconise des mises en culture de de légumes sur des dispositifs à très faible emprise spatiale, comme les agri-sacs, les tours de pneus, les tables de culture ou même des bambous suspendus aux murs.

Des efforts sont menés par l'État et les partenaires techniques et financiers pour le secteur Eau dont l'implantation de nouveaux points d'eau. Mais le défi principal est la pérennisation des infrastructures sachant que le budget de l'État malgache alloué au secteur de l'eau, de l'assainissement et de l'hygiène ne représente que 0,3 % du budget global de l'État (UNICEF, août 2019). Dès lors, on comprend très bien les difficultés des collectivités territoriales décentralisées (CTD) qui sont les maîtres d'ouvrages pour faire face aussi bien à l'extension des infrastructures que de la maintenance de celles déjà existantes. Un effort conjoint relatif à l'identification des économies circulaires sur l'eau, en tant que bien économique commun, et la possibilité de produire des biens de consommation par les femmes permettrait de conduire à une utilisation optimale de l'eau potable et impulser une consommation productive. Considérer le développement local de manière systémique en prenant comme points d'appui les femmes, l'eau et l'agriculture urbaine en milieu urbain serait un moyen de promouvoir le respect des droits économiques et sociaux à la fois, et créer des affaires. Dans un premier temps, il s’agirait de mettre en place dans chaque commune une base de données sur l'utilisation de l'eau, l'agriculture urbaine familiale, la santé, le social et l'économie. L'amélioration de la politique publique territoriale se basera sur les évidences et les résultats des évaluations obtenues. On pourra attirer ainsi des entreprises sociales sur les opportunités locales susceptibles d'être pratiquées par et avec les femmes autour de l'eau potable et élaborer des social business models adaptés.

L'Express de Madagascar (Antananarivo) – AllAfrica